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Les Cardons

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13112023
Les Cardons

Les Cardons


Nouvelle en trois parties d'environ 500 mots chacune.


Première partie 


Ils s'appellent khorchef chez nous, en Afrique du Nord ; ils arrivent quand partent les grandes chaleurs ; au souk, leurs touffes de plus d'un mètre cinquante étalées avec exubérance sur les charrettes des vendeurs, qui les ramènent des campagnes environnantes, forment de hauts tas verdoyants autour desquels les gens se pressent. 
Le khorchef, le peuple l'aime, comme il aime sa culture : pas dans un musée, pas dans une assiette servie par un grand chef, mais à la maison, en famille, tous réunis autour d'une table ronde, depuis les enfants en bas âge jusqu'aux vieux édentés. 
Hajja Mimouna se pressait elle aussi à l'étal, paya ses deux bottes et rentra. Elle avait tout juste fini de préparer le déjeuner quand l'adhan appela à la prière du zénith et amena ses deux fils, leurs femmes et les enfants. Le pêle-mêle qui suivit était fait de joyeuses salutations, d'embrassades, d'ablutions, de prières, de rires, et ne retomba que lorsque le repas arriva sur la table. 
On sert dans un grand plat de porcelaine chinoise ou de terre cuite produit par l'artisanat régional. Ce plat est posé au centre de la table, puis un peu rapproché vers les plus jeunes dont les petits bras n'ont pas encore l'envergure de ceux de leurs aînés. 
La plus petite était Suraya, qui reçut une tape paternelle sur la menotte tendue pour l'avoir plongé avant celle de la doyenne dans le repas. « Bismillah ! » dit précipitamment Hajja Mimouna et trempa sa bouchée de pain dans la sauce, afin d'éviter à la fillette une nouvelle réprimande. La vieille dame était troublée ; elle observait les cardons, qui avaient quelque chose de provocateur dans la couronne un peu trop ferme qu'ils formaient autour de la viande. 
On mange ainsi : les grands pains ronds sont rompus en parts copieuses distribuées à chaque mangeur, qui en arrache des petites bouchées à l'aide desquelles il saisit la nourriture et la maintient avec le pouce. Parfois, le plat n'offre pas le format sur mesure ; les cardons, par exemple, coupés en tronçons de 5 à 8 centimètres de longueur, doivent être redimensionnés à l'aide de la bouchée de pain, qui s'enfonce alors dans la chair tendre et prélève juste ce qu'il faut. 
Souraya essayait de prendre juste ce qu'il fallait du cardon, mais, après de vaines tentatives, saisit la carde entre pouce et index et y croqua à pleines dents. Elle croqua... Le cardon était aussi craquant qu'une poire pas mûre. Tout le monde à présent croquait...
– Hajja ! Ça manque un peu de cuisson...
– C'est bien la première fois, Hajja, toi qui le prépares si bien d'habitude !
– Peut-être tu les as ajoutés trop tard dans la marmite, Hajja. Le cardon, ça se met au début, avec la viande.
– Tu les as achetés bien frais, au souk ? Le vendeur t'aura entourloupée, Hajja...
Mais elle savait bien, elle, qu'elle les avait achetés comme toujours, et qu'elle les avait préparés comme toujours. Elle se taisait, un peu gênée, ne comprenant pas pourquoi la viande était à point et les légumes non. 


Dernière édition par Salima Salam le Mar 6 Fév - 21:27, édité 3 fois

_________________
Virtus verborum amo.

DédéModé, Thierry Lazert, Norsk, Mila, Marquise et Curare aiment ce message

Commentaires

Marquise
Une culture que je connais pas, j'apprends, c'est cool  Les Cardons 1f600

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Merci Marquise pour le "j'aime". Si et quand j'en aurai trois, je publierai la tranche suivante. À ce propos, j'ai rajouté l'indication que j'avais oubliée : nouvelle en trois parties.

Marquise aime ce message

DédéModé
Cynara cardunculus ! Vous saviez qu'il appartient au même genre botanique que l'artichaut (Cynara scolymus) ?
J'ai connu un vieil Arabe qui disait : « c'est le meilleur légume ! »
Salima Salam
Oui, je le savais, ça se sent d'ailleurs dans leur goût. Quand même, pour écrire cette nouvelle je me suis un peu renseignée, surtout pour savoir si oui ou non ils ont de la sève, finalement je n'en sais rien, mais j'ai appris qu'ils font partie des astéracées, qui est la famille la plus butinée par les insectes. 
Et parlant de ça, tout à l'heure une pauvre guêpe morte de faim s'est écrasée dans l'assiette de ma petite, qui a hurlé, et moi au lieu d'écraser la guêpe comme le commande la raison du plus fort, je l'ai piégée dans un verre et l'ai mise dehors au soleil en pensant à vous. Mais elle est peut-être déjà morte à cette heure, elle n'avait pas l'air très vaillante.
Marquise
J'ai jamais mangé d'artichaut. Paraît que c'est bon.
Salima Salam
Shocking !!! Why ???
Marquise
Bin, tout bêtement parce qu'on en a jamais cuisiné chez moi et je n'en jamais mangé chez les autres non plus...

Salima Salam et Thierry Lazert aiment ce message

DédéModé
Il faut dire que c'est un vrai plat de pauvre : le seul qu'y en a plus dans l'assiette quand t'as fini que quand t'as commencé ! (Coluche)

Apprenez, chère Auteure, que la sève est au végétal ce que le sang est à l'animal : toutes les plantes en ont.
Salima Salam
Le cnrtl dit :
"BOT., BIOL. VÉGÉT. et lang. usuelle. Milieu intérieur fluide des plantes vasculaires dotées d'un double appareil circulatoire, s'écoulant dans les différentes parties par les vaisseaux conducteurs des tissus, et assurant leur nutrition et leur croissance."

Alors je ne savais pas si les cardons sont des plantes vasculaires dotées d'un double appareil circulatoire.

La citation de Coluche se rapporte à l'artichaut ? Mais ça, c'est seulement si vous parlez de l'artichaut entier. Si vous le préparez comme Hajja Mimouna, il vous reste un plat vide à la fin du repas.
DédéModé
Mais l'artichaut n'est pas le cardon ! On consomme la tige de l'un, l'inflorescence de l'autre.
Sinon la sève circule dans la plupart des plantes, oui (les mousses, lichens, algues, champignons, fonctionnent autrement).
Salima Salam
Oui, je sais que artichaut ≠ cardon. Mais Hajja Mimouna elle prépare AUSSI l'artichaut, et je parlais de la recette de mouton aux petits pois et cœurs d'artichauts en sauce. Après le repas, il ne reste que quelques os.
DédéModé
Alors oui, l'artichaut entier, à la vinaigrette, plat du pauvre.
Salima Salam
Au lieu de la vinaigrette, vous pouvez parfois écraser un oeuf dur avec du beurre fondu et du sel.
Salima Salam
Merci à Marquise, Thierry et Mila pour leurs trois "j'aime". 

Monsieur le Démodé, j'ai bien noté sur vous n'avez pas cliqué "j'aime". Sachez, Monsieur, que je n'en prends pas du tout, mais pas du tout ombrage, et que cela m'indiffère au plus au degré. Voyez, je n'y pense déjà même plus. Et j'ai aussi complètement oublié que vous n'avez pas liké ma Cuisine d'Afrique du Nord, qui est restée en rade de deux tranches parce qu'il lui manquait le nombre de like.
Salima Salam
Deuxième partie 
La semaine suivante, elle alla d'étal en étal, aux cris de "Khorchef ! Khorchef tout frais ! Pas cher !" Elle aurait été bien en peine d'en acheter du vieux filandreux, les gerbes n'étaient que verdure fraîchement récoltée et encore pleines de vigueur et de sève. Elle paya ses deux bottes et rentra. 
On prépare les cardons avec soin : on laisse glisser un couteau à lame lisse le long de la côte, de façon à l'effeuiller — car les feuilles sont d'une amertume épouvantable —, tout en retirant dans un même mouvement la bordure de la côte, où se cachent des fibres très épaisses. Ça n'est pas si aisé à réaliser quand on achète le khorchef el beldi ou cardon du pays, cette variété qui n'a pas renié son ancêtre le chardon et laisse les mains des cuisinières douloureuses, à l'inverse du romi, le romain ou français, assez doux au toucher mais plus fade. Puis, en partant de l'extrémité fine de la carde maintenant dénudée, on découpe des tronçons, en veillant à peler la pellicule recouvrant la face intérieure et retirer les fibres de la face extérieure, ainsi qu'on procède pour tout légume fibreux : la largeur de la carde est entamée au couteau et achevée par une cassure, qui brise les fibres fines uniquement, et permet de tirer les fibres épaisses sur la longueur. 
Hajja Mimouna les blanchit afin d'en diminuer l'amertume, puis les jeta dans la marmite où mijotait depuis quinze minutes de l'épaule d'agneau sur un lit d'oignons, persil, tomates et épices. Elle couvrit d'eau puis d'un couvercle. Il était encore tôt. Elle laissa cuire, et cuire, et cuire. Mais la cuisson échoua. Dépitée, elle ajouta alors généreusement des carottes et des pommes de terre, puis, en vaquant à ces mille riens qu'exige un ménage bien tenu, attendit l'heure du déjeuner. 
Souraya reçut une tape paternelle pour avoir mangé avec la menotte gauche au lieu de la droite, et Hajja Mimouna lui mit en hâte un morceau de betterave dans la main, en lui expliquant :
– Maintenant que ta droite est pleine, tu as le droit d'utiliser la gauche. Sinon, mange de préférence avec la droite. Ça fait partie du bon comportement à table. 
Mais son esprit était ailleurs.
– Tu as perdu le coup de main, Hajja...
– Laisse-moi les acheter la prochaine fois, Hajja, je les prendrai chez Hassan, il me vend toujours du frais.
– C'est moi qui les préparerai, Hajja, toi, tu te reposeras.
Hajja Mimouna voyait les regards et devinait les pensées : "la pauvre, elle vieillit...", “pour son âge, c'est quand même pas si mal...", "quel dommage que le temps qui passe et nous prive de nos facultés...", "dans le temps, personne n'aurait rivalisé avec elle, mais voilà le début de la fin...". Et comme vont les idées, sans qu'il y eût d'intention méchante, la conversation arriva sur la voisine qui était depuis un an déjà frappée de démence, ne se connaissant plus et ne reconnaissant plus sa belle-fille qui lui prodiguait tous les soins. Hajja Mimouna se taisait, ne voyant rien à dire sur ce sujet, qu'elle considérait comme une occasion de méditation profonde sur la vie, la mort et le futile. Sans doute, parfois il fallait accepter avec humilité de perdre ses capacités. Elle regardait pensivement les mains de ses belles-filles, l'une caresser la tête de son aîné, l'autre partageant la viande entre les petits. Ce qui était écrit arriverait. Le Coran ne leur enseignait-il pas qu'il faut abaisser sur les proches l'aile humble de la miséricorde ? Elle n'avait pas à s'inquiéter.

DédéModé, Thierry Lazert, Norsk, Mila, Marquise et Curare aiment ce message

Marquise
C’est vivant et dépaysant. Très sympa, merci Salima.


Le bon comportement, c’est de manger avec la main droite… Ha ha, avec moi la grand-mère elle aurait vite revu ses conceptions ségrégationnistes vu la porcherie que j’aurais mis sur sa table (je suis incapable de faire quoi que que ce soit de la dextre, surtout pas manger).
 
Par ailleurs, je lis sur la toile : « Dans les sociétés encore sous la domination coloniale arabo-mahométane, manger avec la main gauche est impur, illicite, puisque Mahomet a décidé que cette main servait à se torcher. »
 
En voilà encore un que je ne mets pas sur ma friendlist…

Thierry Lazert aime ce message

Salima Salam
Quand tous mangent côte à côte d'un même plat, c'est plus confortable qur tous mangent de la même main, sinon les coudent se heurtent. 
Si on prend une habitude depuis la petite enfance, on l'intègre très bien. Il ne s'agit pas ici de manier des armes dangereuses ou de faire des gestes de haute précision, mais de saisir de la nourriture avec sa main et la porter à sa bouche. Les jours de couscous, on mange avec une cuillère à soupe. Mais on ne jongle pas entre couteau à steak, fourchette trident à peler la pomme de terre, couteau à poisson et tout l'attirail de ferraille qu'on s'enfourne ailleurs entre les mandibules. 
Qu'un adulte se casse le bras droit, et le voilà contraint de manger de la gauche. Même à l'âge adulte, on peut acquérir des habitudes. 

Mahomet n'existe pas. Si vous évoquez le Messager de l'Islam, il s'appelle Mohammed, comme vous vous appelez Anna et pas Onnih ou je ne sais quelle falsification. La toile n'est pas une référence, vous êtes bien trop fine pour l'ignorer.

Torcher, vous êtes charmante. Je le serai aussi. Les Musulmans ne se promènent pas la journée avec les restes de merde séchée entre les deux miches, le tout macéré dans des relents de vieille pisse, mais après chaque "évacuation" se lavent avec de l'eau propre, ce qui fait que leurs parties intimes restent toujours propres comme après la douche. Pensez-vous donc qu'ils lavent le caché et laissent l'apparent souillé ? Pensez-vous qu'à leur corps est fixée une main gauche impure et sale ? 

Cette prescription d'un usage précis de chaque main a des raisons religieuses qui ne vous concernent pas, et des implications pratiques qui vous concernent : si depuis votre enfance vous aviez été incitée à faire certains gestes de la droite, vous auriez un peu développé la motricité de la droite et vous seriez rapprochée des ambidextres, qui sont, eux, très avantagés dans leur quotidien. 

Il ne s'agit en aucun cas de diaboliser les gauchers, qui par ailleurs font de leurs mains ce qu'ils veulent : écrire de la gauche, faire tous les gestes de motricité fine, etc. 

De façon générale, l'Islam incite à l'équilibre et au juste milieu dans tous les domaines. Et pour tous les cas désespérés, il y a toujours des exceptions permises.
Salima Salam
Ps : j'ajoute que l'usage précis d'une main pour certains gestes depuis la petite enfance aide l'individu à acquérir la notion de droite et gauche, ce qui l'aide à construire de façon structurée la perception de son corps puis de son entourage. Cette structuration améliore la perception spatiale et au delà : structure la personnalité.

Alors dites à la toile que je me torche avec elle.
DédéModé
Désolé, Patronne, j'avais oublié les règles propres à la rubrique ; je répare !
Quant à votre Cuisine nord-africaine, je l'avais laissée filer ; je tâcherai de la rattraper...

Salima Salam aime ce message

Marquise
Je me sers de ma main gauche depuis ma naissance pour tous les gestes courants. Ça ne m'a pas causé de problèmes particuliers jusqu'ici. (Et puis moi, dès que je peux faire partie d'une minorité, je me précipite !  tongue )

Salima Salam aime ce message

Thierry Lazert
J’ai particulièrement apprécié ce passage d’une grande finesse :

Et comme vont les idées, sans qu'il y eût d'intention méchante, la conversation arriva sur la voisine qui était depuis un an déjà frappée de démence
Marquise
On attend la IIIe partie !  bounce
DédéModé
Je ne savais pas que la Duchesse était devenue Casaoui, voisine de Hajja Mimouna !
Salima Salam
Merci à Mila, Marquise et Thierry pour leurs "j'aime".

@DédéModé, j'ai bien remarqué que vous n'avez pas liké ma deuxième tranche, je sais à présent pourquoi : vous aviez oublié les règles de la section, mais pas celles de votre duchesse. Ne l'évoquez plus jamais sur un de mes topics. Si je n'avais pas un peu de respect pour moi-même, je vous dirai ce que je pense.
Salima Salam
Troisième partie 



Après les pluies torrentielles d'équinoxe, les jours passant, le froid se fit sentir plus durement, un de ces grands froids secs par ciel bleu profond, un de ces temps à manger de la bessara. C'est le plat des pauvres : purée de fèves cassées, de l'ail, du cumin et de l'huile d'olive. Curieusement, ce jour-là les fèves ne cuisirent pas, ou du moins pas correctement. Ce voyant, Hajja Mimouna sourit dans sa cuisine, étonnée de n'avoir pas réalisé avant et soulagée de comprendre enfin. Les fèves, c'est connu, ont besoin d'une cuisson très vive, et la durée y fait peu si la température fait défaut. 

Au cours de l'été, la vieille dame avait remisé son ancienne gazinière et en avait acheté une nouvelle, semi-électrique, avec un four à air ventilé, un modèle un peu cher mais si joli. Puisqu'on ne cuisine pas de la même façon selon les saisons –faire revenir des poivrons à la poêle n'est pas comme cuire des légumes secs– elle n'avait pas encore eu l'occasion de constater que la nouvelle manquait de puissance et n'atteignait pas la chaleur nécessaire à certains aliments.

Forte de cette découverte, elle partit le lendemain au souk, acheta deux bottes de khorchef, puis une fois rentrée, les prépara pleine d'allant. Effeuiller, ôter les fibres, laisser tremper dans l'eau citronnée pour éviter le noircissement, blanchir, déposer délicatement dans la marmite sur la viande et ses condiments, couvrir d'eau en disant « Bismillah ». À ce stade, elle s'éloigna de la procédure standard. Elle prit la longue bande de tissu qui lui servait pour le couscoussier, l'imprégna de farine délayée dans de l'eau, puis l'appliqua en long à cheval sur tout le bord supérieur de la marmite de façon à former un joint à l'endroit du contact entre celle-ci et son couvercle. Ensuite, elle plia plusieurs fois un torchon épais et propre, qu'elle posa sur le couvercle comme une couverture. Enfin, elle fixa le système d'une lourde pierre dont elle faisait divers usages, afin de limiter l'évacuation de la vapeur au travers du « joint ». Elle laissa cuire. La température monta dans la marmite. Monta. Une demi-heure plus tard, les légumes avaient pris le bon chemin. Une heure plus tard, ils étaient à point. Elle leur ajouta des olives violettes et des citrons jaunes confits, puis laissa sur petit feu et l'adhan de midi amena les convives.

Le plat trônait à présent. Au centre, la viande. Autour, les cardons, verts pâle, des cardons mollement allongés, les uns sur les autres, indolents, affaissés, cuits enfin. Par-dessus, les citrons et les olives jetaient leurs touches colorées. Et en fond, beaucoup de sauce brune, épaisse et brûlante. La menotte de Souraya reçut une tape paternelle pour être allée picorer un petit bout de quelque chose dans le plat devant sa sœur Zaineb.
– Tu dois manger ta part devant toi, comme ta sœur mange sa part devant elle. À chacune de vous sa part, lui dit sa grand-mère en embrassant la petite main. 

Hajja Mimouna était sereine. Tous mangeaient en silence, ce silence appréciateur et bruissant de compliments non formulés. Art culinaire consommé. Quand le plat fut vide, le dernier « al hamdoulillah » prononcé, ses fils baisèrent la main qui avait préparé le déjeuner, ses belles-filles lui firent des compliments enjoués, les enfants allèrent jouer dans la pièce à côté, sauf Souraya qui allongea sa tête sur les genoux de sa grand-mère et s'endormit dans le bercement de la conversation des grands. 

Quelque temps plus tard, sa famille la trouva un midi, elle avait laissé pour eux le repas à petit feu, puis saisie d'une grande fatigue s'était allongée. En pleurs, ils déposèrent une dernière fois un baiser sur la main chérie. Hajja Mimouna avait quitté cette vie comme elle l'avait traversée : sans bruit, sans rien demander à personne, aimée et profondément regrettée. 

DédéModé, Thierry Lazert, Norsk, Mila, Jihelka, Marquise et Curare aiment ce message

Marquise
Je crois que c'est la partie que j'ai préféré. La mort de la grand-mère est écrite comme il le faut, factuelle et avec sobriété, ce qui rend ce passage très émouvant en fait.

Salima Salam aime ce message

DédéModé
J'étais pas connecté quand j'ai lu, et après j'ai OU-BLI-É !!

Salima Salam aime ce message

Thierry Lazert
La meilleure partie, à mon avis, comme pour Marquise, et très belle fin, merci Salima.

Salima Salam aime ce message

Jihelka
Je préfère aux cardons
Les artichauts bretons.
Et que pensez-vous, dites,
D'un steak avec des frites ?

Belle écriture, beau récit. Mimouna est touchante.

Salima Salam et juju aiment ce message

Marquise
Si je peux me permettre
Jihelka, mon maître,
J’aime le steak saignant
Epais et bedonnant
 
Je le garnis, vorace
De grosses frites grasses
Et une béarnaise
Ou de la mayonnaise

Jihelka aime ce message

Jihelka
C'est un régime de boxeuse, ça ?
Allez, à l'entraînement !
Et je ne suis pas le maître, je suis le rimeur du fond de la classe...
Marquise
Bin oui, déjà que mon IMC est défaillant, il me faut des calories... Vous savez ce qu'on perd durant une séance de deux heures de savate ? Je sais que vous êtes au fond de la classe puisque je suis le radiateur sur lequel vous vous appuyez pour rêver vers la fenêtre entrouverte...

Jihelka aime ce message

Jihelka
"Le rimeur du fond de la classe", je l'avais mis en ligne sur Short,
ça finit comme ça :

C'est moi l'rimeur du fond d'la classe.
Escusez-moi si ça vol' bas,
Escusez-moi si ça plan' pas
Sur des sommets, sur des Parnasse,

Mais j'suis l'rimeur qui fait ses classes
Près d'la f'nêt' qui donn' sur la rue
D'où mont'nt les pauv' chansons tout's nues
Des troubadours d'la populace."

Thierry Lazert et Marquise aiment ce message

Ninn' A
ton texte m'a pris aux tripes surtout la fin mais j'avais déjà compris en lisant dans la première partie que la dame n'avait pas réussi la cuisson.

Salima Salam et Jihelka aiment ce message



Dernière édition par Ninn' A le Lun 20 Nov - 18:18, édité 1 fois (Raison : malgré la courtesse du comm' j'ai quand même réussi à oublier un mot :-))
Jihelka
Hello Ninn'A !☺
Ninn' A
Salut JL !
avatar
Ben alors ? Je débarque super en retard et toujours pas de 2e tranche ? Alors ? alors ? Il s'est passé quoi pour que ces cardons manquent de cuisson ?

(de par chez moi, on les mange à Noël, avec de l'anchoïade... miam !)
Salima Salam
Norsk ! ça par exemple !!! Quel bon vent t'emmène ? Je vais lui dire d'arrêter de souffler, pour qu'il ne te remporte pas tout de suite. 
La deuxième est servie et la troisième aussi. Elles se noient dans le fil des commentaires.
avatar
Merci !!! J'avais oublié comment ça marchait ! Bravo pour ces 3 tranches. Et petit bravo spécial pour la fin. Peut-être que la 2e tranche est de trop ? Trop similaire à la première ?

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Merci pour la remarque. À voir. J'avais pas prévu de retravailler. Je relirai et j'aviserai. Et toi ? Du neuf ? Tu as dû amasser de la matière depuis... pfff... 6 ou 7 ans que tu étais plus passée par ici ?
Thierry Lazert
Les cardons… Je viens de relire les trois parties, et j’ai encore beaucoup aimé.

Je trouve que votre style emprunte au factuel prosaïque tout en baignant dans une poésie incernable - par moi ! Une légèreté se degage de cette syntaxe simple, sans effets de manche. La sagesse s’impose sans bruit, comme meurt la vieille dame à la fin.
Salima Salam
Merci Thierry, pour vos "re-lectures". Ça n'est pas la première fois que vous lisez une seconde fois quelque chose écrit et déjà lu il y a longtemps. 

Je pourrais user de fausse modestie et tâter du chleuasme, ou bien à l'inverse en mettre trois bonnes couches en vous expliquant comment mes mots sont le reflet de mon esprit insaisissable, teinté de prosaïco-poésie, mais peut-être aussi que vous comprendrez tout ce qu'il y a derrière le seul "merci".

Thierry Lazert aime ce message

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@Salima Salam


6 ou 7 ans !  Les Cardons 1f600  T'exagères pas un peu ? Et oui, je recommence à accumuler de la matière !  Les Cardons 1f609  Il était temps !

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Bien. Laisse germer. Pousser. Fleurir. Fructifier. Mûrir. Et cueille !
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