Recueillement, Charles Baudelaire
Je pleure et me cogne la tête :
Descente en zinc et mur de toc
Récoltent ma misère en stock.
« Mon Dieu ! quelle faute ai-je faite ?
Pourquoi telle puniti-on
Afflige-t-elle Ton fidèle
Serviteur en dévoti-on,
De contriti-on le modèle ?
Pitié ! donne soulagement
À cette assommante souffrance
Qui me tourmente et me relance
Sans trêve sous le firmament ! »
oOo
Voilà que je cours à l'église
(Où le bedeau, cet animal,
Dispose de la marchandise
Qui me délivrera du Mal)...
« Sous ce ciel noir qui me châtie
J'implore bénédicti-on !
Ô lune blanche de l'hostie,
Au pénitent rédempti-on !...
J'ai mangé Ton fils en pastilles,
Bu quatre litres de son sang
Mais rien ne rentre dans le rang
Et tout penche... À moi ! des béquilles ! »
o
oOo
o
Sois sage – je délire ! –, ô ma
Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Je navigue au bord du coma
Quand par un geste malhabile...
D'un placard de salle de bains
Qui dégueule sa pharmacie
(Placebos aux bobos urbains)
Tombe une pilule rancie.
Coup du hasard, don du destin,
Fruit de la volonté divine ?
Je la cueille pour l'intestin
Et l'avale au jus qui m'avine...
oOo
Lors déambulant dans le mol,
Il me semble que je sourie ;
Céleste Panacétamol !
Triomphant d'engeance pourrie ;
Les mi-asmes calamiteux
Bâillonnés par la médecine,
Revient, outre sa bonne mine,
La bonne foi du souffreteux :
« Gloire à Toi, préci-eux remède !
Qui dispenses les Décadents
(Quand leur faible volonté cède)
De souvent se brosser les dents ! »
Je compte repasser.
Salima SalamSam 11 Fév - 20:17