Les flics m’arrêtent et me font signe de me ranger sur le côté. Ils ont tous les deux à peu près la même démarche, relâchée, le même gabarit, plutôt petit et mince, et vaguement la même gueule : Tic et Tac.
Tic s’adresse à moi par la vitre, me demande mes papiers, je les lui tends. Ça ne fait que commencer.
— Vos nom et prénom, svp.
Il me vient, de loin, un hoquet auquel j’ajoute « Lantière ».
— Vous avez bu ?
— Non.
— C’est à se demander… votre hoquet ne me rassure pas beaucoup. Tenez, soufflez là-dedans, svp.
Je voudrais lui expliquer mais il s’en fout, de toute évidence, l’a pas envie d’explications. Je souffle dans le machin : négatif. Il me lance :
— Votre nom, c’est Lantière ?
— Oui, et mon prénom, c’est (j’ai de nouveau un hoquet), voilà, c’est mon prénom, ça : un hoquet. Vous voyez, là, sur mon permis, et sur tous mes papiers, il y a mon prénom écrit : (nouveau hoquet)
— Attendez, monsieur. Soit vous avez une quinte de hoquet et vous me racontez une petite histoire pour nous faire rire un peu mais on n’est pas là pour ça, soit vous vous moquez ouvertement de moi. Je vois sur vos papiers que votre prénom est Hic, pourquoi pas ? mais vous n’êtes pas obligé de me faire un hoquet quand je vous demande votre prénom.
— Malheureusement si ! Mon père avait sérieusement bu la nuit de ma naissance et il avait un grosse quinte de hoquet quand on lui a demandé de déclarer mon prénom. Comme ce hoquet ne s’arrêtait pas, la personne s’est impatientée et a fini par écrire Hic à mon prénom.
— Ok. Mais si votre prénom est Hic, vous pourriez peut-être répondre Hic quand on vous le demande, au lieu d’avoir, ou de faire semblant d’avoir un hoquet.
— J’aimerais bien. Mais c’est indépendant de ma volonté, au dessus de mes forces. J’ai un hoquet chaque fois que je dois dire mon prénom. C’est une malédiction.
— Monsieur, je crois de plus en plus que vous vous foutez de ma gueule. On va immobiliser votre véhicule et vous allez nous accompagner à la Gendarmerie de Saint Truq.
— Mais non, je ne plaisante pas ! C’est une vraie malédiction ! Ma mère n’était pas l’épouse de mon père et lui était un notable, et ça a fuité. Il fallait absolument expier la faute par le châtiment et c’est moi, fruit de la faute, qui expie par ce châtiment ridicule. Vous imaginez bien les problèmes que j’ai chaque fois que j’ai affaire à vos collègues. Je ne vous dis pas le nombre de gardes-à-vue que j’ai faites à cause de cette saloperie !
— Bien, Monsieur, je vous demande de vous calmer.
Tic se tourne vers Tac et ils s’éloignent pour échanger quelques mots. Ils reviennent me voir.
— On mise sur votre bonne foi, vous pouvez y aller.
Je démarre et reprends ma route. Ça a pas été simple de faire changer mon prénom partout mais je me marre à chaque excès de vitesse.
Salima SalamVen 1 Nov - 23:45