Le Bastringue Littéraire
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"... Dimey est mon oxygène, Paris n'est plus cette ville
tentaculaire qui m'effrayait. Les rues et les beaux quartiers
ne sont plus des coquilles vides, sa présence anime la rue,
les bistrots ne sont plus des lieux d'attente et de misère
mais des théâtres où tout le monde lui donne la réplique.
Nous allons de rade en rade, suivant un fil d'Ariane inéluc-
table qui nous conduit déjà vers le suivant comme un jeu
de piste qui aurait une logique. Le décor ne change guère,
les acteurs parfois diffèrent. Sa facilité de contact me fas-
cine, il semble attendu partout.
  - Ça va, Dimey ? Tu bois un godet, pose ton cul là avec la 
  petite.
  Nous vivons dans les cafés, monopolisant pour plusieurs
heures un coin qui devient notre salon presque intime. 
Nous réquisitionnons une table ou deux pour installer notre
pagaille. Nos nappes déchirées, dévorées par nos dessins
désordonnés opèrent une lente transformation en porcherie.
Dimey est un graphiste, sous son trait incisif facile et spon-
tané naissent des dessins humoristiques ; c'est sa spécialité,
il refait et affine sans cesse les mêmes avec ou sans variante.
  Je m'amuse de ses sujets de prédilection, des papes écrasés
sous des tiares gigantesques, des self-services-guillotines
avec le condamné tirant lui-même la ficelle ; une chanteuse
s'égosille alors qu'un petit bonhomme essaie d'accrocher des
notes de musique sur un fil, avec cette légende : "C'est très 
bon mais ça n'accroche pas !" Nous écrivons des poèmes à 
deux, chacun sa phrase, les restes de la nappe absorbent des 
flaques de Côtes du Rhône, le cendrier déborde, les verres se 
succèdent.
   Les clients vont et viennent, se renouvellent. Dimey discute,
provoque, apostrophe le premier venu, se lançant dans des dé-
bats pour le seul plaisir de jongler avec les mots. Je ne suis pas
certaine qu'il s'intéresse toujours à son interlocuteur, qui parfois
devient transparent. Quand le discours m'ennuie par sa bêtise
triomphante, mon visage se ferme, Bernard alors devance ma
question. En s'asseyant contre moi sur la banquette, il me 
confie :
  - Les cons m'amusent !
  Ses petites mains aux doigts pleins me tripotent avec avidité.
Je suis étonnée que leurs paumes soient lisses comme des 
galets.
   L'extrême complexité de ce paysan de Paris s'inscrit dans une
amorce de ligne, presque une absence comme un oubli.
   Sa voracité de goret fait fleurir le bonheur sur mes lèvres. Sa
phrase tue le rêve comme une éclipse de soleil à midi :
   - Mimi, je serai mort à cinquante ans..."


Yvette Cathiard 
"Dimey, la blessure de l'ogre"

Dernière édition par Jihelka le Jeu 11 Jan - 16:33, édité 1 fois

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Vous me donnez envie de lire la suite.

_________________
Virtus verborum amo.

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Bernard Dimey (1931-1981)

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