Le Bastringue Littéraire
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L'Adresse où parler Littérature et para-litté-raturer prose et poésie.

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descriptionMais un jour, une main... EmptyMais un jour, une main...

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"... Tenez ! le voilà ! c'est lui !
Il remontait du port par la rue Louis Blanc, un parapluie pendu à son bras,
vêtu d'un méchant habit de coutil noir, et marchait d'un pas lent d'homme
qui pense profondément.
Jeannin, Jeannin le photographe sauta sur son appareil, bondit et saisit
l'homme dans son viseur. L'homme ne se retourna même pas. Il était
indifférent à toute manifestation humaine.
C'était Ullmo, ex-enseigne de vaisseau de la marine française.
Il avait quitté le Diable (l'île du Diable) depuis cinq semaines. Quinze ans !
Il était resté quinze ans sur le Rocher-Noir, dont huit tout seul, tout seul...
Enfin ! on l'avait transféré sur la "grande terre". Les internés des îles du
Salut appellent Cayenne la "grande terre"...
Il alla de maison en maison. Il disait : "Prenez-moi comme domestique."
On lui répondait : "On ne peut pas prendre un ancien officier de marine
comme domestique." Il répondait : "Je ne suis plus le lieutenant Ullmo,
je suis un traître."...
Il frappa aux comptoirs Chiris, il frappa aux comptoirs Hesse. Enfin, il
trouva la maison Quintry, exportation, importation...
- On ne comprendra peut-être pas, me dit M. Auguste Quintry, que j'aie
tendu sinon la main, du moins la perche, à Ullmo. En France, vous voyez
la faute, en Guyane, nous voyons l'expiation.
M. Auguste Quintry se remit à écrire. Après un instant :
- Hier, en sortant du comptoir, j'emmenai Ullmo chez moi pour lui donner
des échantillons. Je le fis asseoir dans mon salon et partis chercher mes
deux boîtes. J'ai une petite fille de dix ans. Voyant un monsieur dans le
salon, elle se dit : " C'est un ami de papa." Elle va vers Ullmo : "Bonjour
monsieur", et lui tend la main. J'entends ma petite fille qui crie : "Papa ! le
monsieur pleure." J'arrive, les larmes coulaient le long des joues d'Ullmo.
"Eh bien !" lui dis-je. Je compris. "Pardonnez, fit-il, voilà quinze ans qu'on
ne m'avait tendu la main."

Albert Londres "Au bagne"

descriptionMais un jour, une main... EmptyRe: Mais un jour, une main...

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Ça paraît simple, comme ça, vous choisissez parfois des extraits où on se dit : "bin quoi, moi j'en ferais autant, je tiendrais la main, j'intercèderais ici où là." Mais en vrai, dans la situation, avec le poids des conventions, de la société, du petit confort... Avec toutes nos chaînes, nos intérêts minables, c'est pas si simple d'agir comme il faut.

Dernière édition par Salima Salam le Mar 11 Juil - 18:42, édité 1 fois

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Virtus verborum amo.

descriptionMais un jour, une main... EmptyRe: Mais un jour, une main...

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La fin de ce passage me rappelle une chanson de Brassens,
"Le mauvais sujet repenti", où un type sorti de prison rase les murs,
s'attendant a être rejeté de tous. Et il croise plusieurs personnes
bienveillantes qui le saluent, demandent de ses nouvelles. Et la 
chanson se termine par ces mots :

Lors j'ai vu qu'il restait encor'
Du monde et du beau mond' sur terre,
Et j'ai pleuré, le cul par terre,
Toutes les larmes de mon corps.

descriptionMais un jour, une main... EmptyRe: Mais un jour, une main...

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