Le Bastringue Littéraire
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descriptioncadavre exquis n° 1 Emptycadavre exquis n° 1

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Chapitre 1

Le Tube fonce à trois cents à l’heure sans que soit ressentie la moindre sensation de vitesse. Monick observe avec envie les autres passagers absorbés dans leur Bulle.4, leur expression béate. Il n’y a pas accès car il n’est pas pucé dernière génération. À 67 ans il est trop âgé pour cette implantation réservée aux actifs, il n’a accès qu’à la Bulle.2, publique et gratuite, installée dans chaque immeuble.
Depuis sa sortie du C3, le Centre de Connexion Citoyenne, Monick cogite à plein cortex. Incident rarissime, des données résiduelles, qui auraient du être effacées, lui sont restées en mémoire : « …lution au fléau de la sur… ulation semble êt… rientation des seniors …pendants, mal… inactifs, et des anci …linquants vers des centres d’éval… visagera leu… ». Son cerveau, allégé par la défragmentation de fin de connexion, n’a eu aucun mal à combler les vides : « La solution au fléau de la surpopulation semble être l’orientation des seniors inactifs, dépendants, malades ou retraités, et des anciens délinquants, vers des centres d’évaluation où l’on envisagera leur… ». Leur quoi ? Question angoissante pour Monick qui coche deux cases : depuis ses 65 ans, il touche l’A.S.I., l’Aide aux Seniors Inactifs, en attendant sa retraite à 70 ans ; ancien délinquant, il est considéré comme guéri depuis sa cure de réinitialisation.
Autre sujet d’inquiétude : pourquoi la conseillère du Bien-Vieillir l’a-t-elle convoqué en personne ? D’habitude, les entretiens sont inter-bulles, la conseillère le contacte sur la Bulle de son immeuble. Pourquoi cette fois-ci un entretien physique ? Elle lui voulait quoi, celle-là ? Sûr, pas que du bien. Elle voulait tenter une apnée de vingt minutes dans sa baignoire comme son prédécesseur ? Monick sourit à ce souvenir. La cure de trois ans en centre néo-psychiatrique a anesthésié ce que les médecins appelaient ses pulsions meurtrières, mais, mais, mais… Pulsions ? Erreur : ses meurtres étaient bien calculés, réfléchis.
Autour de lui, les passagers du Tube, des actifs pour la plupart, sont retranchés dans leur Bulle, indifférents, absents. Sauf deux amoureux qui partagent la même. Quelle drôle d’invention ! Quelqu’un avait dit un jour, il y a longtemps : « j’aimerais vivre dans mon smartphone ». Ce qui fit réfléchir une jeune geek, Kamilie Brinblont, 10 ans, élève de seconde au lycée Cyril Hanouna de Becquerel-ville nouvelle (Haute-Vienne). Et naquit dans son génial cerveau l’idée de la Média-Bulle *.



* Au grand désappointement du lecteur féru de techniques nouvelles, je m’interdis de dévoiler le principe de cette Média-Bulle. Laissons la science vivre sa vie. Sachez toutefois qu’il s’agit d’une Bulle immatérielle et que les Bulles.4 peuvent se rejoindre, se fondre en une seule, et se disjoindre, à volonté.


Dernière édition par Marmiton le Mar 15 Fév - 19:16, édité 1 fois

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Chapitre 2, nouvelle version



Le Tube arrive à destination, qui est City 316, la préfecture de la région de l'Ouest, et s'arrête dans un mouvement ouaté. Tous les passagers descendent et le temps de parcourir le sas vitré ont une vue panoramique sur la ville grise dressée aux milieux des brandes, entre fougères et genêts rabougris.
En passant sous l'arc électromagnétique, chacun fait le geste devenu routine de dresser le majeur gauche à hauteur de visage, pour que soit lue la puce et orienté l'usager. 
C'est en effet dans le majeur gauche que cette puce est implantée. Le médian, de par son ergonomie et les flux énergétiques le parcourant, est le plus indiqué pour servir d'antenne et capter les ondes qui lisent, actualisent ou paralysent la puce, et donc le citoyen, car de nos jours l'un ne va plus sans l'autre. Il existe bien une population de sans-puces qui vagabondent dans les circuits parallèles de la civilisation, mais ils n'ont plus grand chose d'humain.
Par l'Intracity-Tube 89 Monick atteint le bureau de la Conseillère. Bureau ? Mais il n'y a pas de bureau, de paperasse, de photos sur les murs, de thermos sur le bord de la fenêtre. Il n'y a pas de fenêtre.
Il lui adresse le salut citoyen : main gauche offrant sa puce en lecture pour l'identification. C'est fou ce qu'elle a l'air virtuelle, la Conseillère. Grain de peau pareil à une pellicule de silicone, cheveux lustrés façon publicités, sourire monitoré, une "absorbée Bulle.4", voilà comment le vieux les surnomme. Ils ne vieillissent plus, ne se fatiguent plus, ne tombent plus malades, à se demander s'ils défèquent encore. Il paraît que oui, puisqu'elle l'engage à s'assoir à une petite table ronde, où apparaissent deux décaféqués - on ne peut plus décemment appeler ça des cafés - et se lance dans un monologue dépassionné sur les raisons de cette convocation. 
Voilà ce que Monick en retire : 
Un jour, un millionnaire ennuyé avait dit : "j'aimerais voir la vie en dehors de ma bulle." Et naquit dans le cerveau d'un investisseur aux longues dents l'idée d'un parc naturel, dans lequel des êtres humains vivraient comme on vivait aux temps de la prébulle, voire la préhistoire. Le spectacle d'hommes, lâchés dans une nature hostile, qui auraient à lutter contre intempéries et bêtes sauvages pour leur survie, devait offrir à la classe désœuvrée et désabusée le frisson sécurisé qu'elle recherchait.
Monick était un candidat de choix pour la première saison de cet événement : statut de charge inutile à la société, physique encore robuste, physionomie photogénique, un potentiel agressif manifeste. Il avait l'atout d'avoir côtoyé les sans-puces à un certain moment de sa vie, de connaitre les techniques de survie dans le système et les systèmes D. S'y ajoutait le fait que lors de sa cure de réinitialisation, on lui avait installé plusieurs petits programmes bonus en vue de l'optimiser pour le grand show. 
Hmm... Et l'alternative ? Le centre d'évaluation, qui procéderait au dépuçage, avant de dispatcher les parias entre les différents Centres de Traitement des matières organiques vivantes.

Dernière édition par Salima Salam le Sam 26 Fév - 0:18, édité 1 fois

descriptioncadavre exquis n° 1 Emptychapitre 3

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Chapitre 3


« Non ! Non ! Pas moi ! Pas moi ! » Monick a hurlé et sursauté au point d’être presque tombé du lit. Il se retrouve assis sur le bord du matelas, en sueur, les yeux écarquillés de terreur, avec encore en tête les derniers mots de cette espèce d’hologramme de sorcière du futur : « matières organiques vivantes », lui Monick une matière organique vivante… à dispatcher ! Petit à petit, il fait surface, bredouille encore « non, pas moi... », puis regarde autour de lui, les posters collés au mur, la commode, la table et les chaises, ses polars bien alignés sur l’étagère, ces objets quotidiens le ramènent à la réalité et le rassurent, l’apaisent, il est bien dans sa chambre, à l’abri du danger, la sorcière mutante n’existe pas, c’était un cauchemar. Tout bêtement.
Il regarde vers la fenêtre qui lui dit qu’il fait beau. Tous les matins, c’est la lumière du jour au travers du rideau qui le sort du sommeil. Il na jamais vraiment travaillé, vit du RSA, n’a donc aucune raison de faire sonner le réveil. C’est un des nombreux bons aspects du RSA. Pour une fois, il se souvient du dernier rêve de sa nuit. Drôle de rêve, oui drôle tout compte fait, une fois réveillé, quoiqu’un peu angoissante cette histoire de Bulle, de pré Bulle, de bêtes sauvages, et surtout de matière organique vivante. A dispatcher ! Atroce. Un détail étrange : dans le rêve il avait 67 ans, vingt de plus que son âge. Rêve prémonitoire à long terme ? Pourvu que non ! Ce parc, cette jungle avec des bêtes sauvages où voulait l’envoyer la sorcière… déjà qu’il n’aime pas la campagne, que la vue d’une araignée le terrorise... alors la jungle et les bêtes sauvages…
En buvant son café, Monick consulte ses sms. Un seul, daté de la veille : Aubépine, la chargée du lien social « Appelez-moi sans faute demain avant 11 heures. Merci. » Elle lui veut quoi encore, Aubépine ? Du bien, sûrement, mais son bien à elle n’est pas toujours un bien pour lui. Son boulot, sa mission elle dit, c’est d’essayer de remettre les RSAistes de longue durée sur les rails, de les réintégrer dans la société laborieuse, bref de leur faire accepter un boulot de merde payé des clopinettes. Monick sait qu’elle l’aime bien, elle veut son bonheur, oui carrément son bonheur, et pour elle le bonheur c’est un travail, en CDI ça va de soi, et une famille… la p’tite auto d’occase, un mois de vacances par an, pfffrien que d’y penser, ça le décourage, Monick. Mais il doit jouer le jeu, rien ne sert de lutter, se rebeller, il le sait, ces gens-là sont plus forts que lui, ils ont les moyens de lui gâcher la vie, et plus. Alors, comme dans le passé devant les juges, il joue au con sans défense, au crétin inadapté. Aubépine est au courant de ses quelques années de zonzon, ça l’attendrit, pourquoi, il s’en tape, Monick, ça la rend très indulgente avec lui, c’est le principal. Pour une fois que son casier chargé joue en sa faveur Elle n’essaie pas de lui imposer ces boulots nases, genre plongeur de resto, il peut pas : allergique aux produits ménagers, ou nettoyeur des vitres des gratte-ciel de la Défense, ça non plus, peut pas : le vertige. Boulots nases où elle envoie sans pitié les autres « casocs ».
Aubépine veut que Monick écrive un livre, qu’il raconte ses aventures, comme tant d’autres anciens taulards. Ça marche à tous les coups, elle dit. Tu parles d’aventures ! Il n’a jamais été qu’un petit combinard, petit casseur, petit receleur, minus de l’arnaque, sa prison c’est pas cinq ans de QHS pour braquages comme Mesrine, c’est depuis ses 16 ans de courts séjours de trois à six mois, toujours pour des broutilles. Elle date de quinze ans, sa dernière condamnation. Il s’est rangé des brouettes, ne fréquente plus ses anciens potes, il veut juste rester peinard avec son RSA et quelques petits chantiers au black, pas tuants, respect des bio-rythmes, quelques rares et très courtes missions d’intérim, histoire de démontrer à Aubépine son désir ardent de travailler. Vraiment pas de quoi en faire un roman. Tiens, sa courte séquence de rêve futuriste est plus intéressante que toute sa soit-disant carrière de voyou. Mais elle y tient, Aubépine, faut qu’il écrive un roman, un polar. Jusque là, il n’a pas dit non, il reste dans le vague, lui dit qu’il prend des notes, tant que ça dure, qu’elle y croit, ça épargne à Monick les turbins malsains.
Il tape le 06 d’Aubépine.
- Alloooooo j’écou... aaaaaah Monick ! Supeeeer !
Complètement exaltée dès le matin, Aubépine.
- Tenez vous bien, Monick !
- Hmm ?
- Vous allez participer à un film !
- Hmm
- Un grand film d’aventures ! Et américain s’il vous plaît ! Avec des stars ! Ce n’est pas de la figuration, vous aurez un rôle, un vrai rôle, ils veulent un français genre mauvais garçon un peu déglingué par la vie, c’est tout à fait vous, ça. Mais surtout pas un acteur professionnel.
- Oh laaaa… Un film d’aventures américain... La jungle avec des bêtes sauvages, c’est ça ? Alors là, pas question !
- Mais quelle idée ! Je ne vous ai pas parlé d’un remake de Tarzan ! Ah ah ! je vous imagine en slip léopard… avec votre calvitie et votre brioche ! Ah ah !
- Hmm… c’est quoi alors ?
- Heu… je n’ai pas tous les détails. Je sais juste que ça se déroule dans la campagne française. Une ferme...
- Avec des vaches et des cochons ? Ça demande qu’à redevenir sauvages ces bêtes-là, j’ai pas confiance. Vaches cochons, j’ai confiance que dans l’assiette, et encore… Je suis un gars de la ville, moi !
- Oooooh ! Monick, ça suffit ! Vous préférez les tours de la Défense ? Ils cherchent des nettoyeurs en ce moment. Y a la prime de grande hauteur, prime de risques, prime de salissure, plein de primes ah bin oui, c’est dangereux et sale. Et pas intéressant. Mais d’autres le font ce travail, après tout pourquoi pas vous ?
- Hmmpfff… Je peux réfléchir ?
- Bien sûr. Réfléchissez. Et donnez moi votre réponse dans les cinq minutes. Monick, sérieusement, vous ne pouvez pas refuser. Vous obtiendrez le statut d’intermittent, c’est quand même mieux que le RSA, non ? Et vous allez vous faire de sacrées relations. Allez savoir, vous deviendrez peut-être célèbre ! Alors là, la vie de vos rêves, Monick : beaucoup d’argent pour très peu de travail, voyez que je vous connais un peu.

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Chapitre 4



Il a dit oui. Juste histoire qu'elle lui fiche la paix pour l'instant. C'est malin, maintenant, faut qu'il fasse le mariole pour les Ricains pendant plus d'une journée sans doute. Ça serait pas un peu tapiner sur le compte de sa dignité ? Il se dit qu'avec de la chance, il va se réveiller encore une fois, mais la journée se passe et il finit par aller se recoucher sans s'être ré-veillé. Tant pis.


Il s'est fixé une ligne de conduite : si c'est un truc avec Keanu Reeves genre Satan et le Jésuite mystérieux dans la chapelle Sainte-Immaculée, il se désengage net, quitte à crapahuter jusqu'au sommet de la Défense. Si c'est quoi que ce soit avec Sharon Stone, il joue le jeu, même s'il faut pour ça escalader la Défense. Pour tout le reste, à voir, ce sera selon.


Aubépine lui a envoyé quelques documents. Contrat à retourner signé, billet pour Marseille, réservation trois semaines à l'hôtel Le Parador****, synopsis. Ah ! Voilà qui est fascinant ! Pas un film d'aventures, pas du tout, évidemment que non, comme si Hollywood allait chercher l'aventure dans l'hexagone. D'ailleurs franchement, c'était couru d'avance : soit une conspiration du Vatican, soit un film d'amour. Et jackpot, il est tombé sur la romance avec Jodie Foster. Il signe.


Deux semaines plus tard, il monte à la gare d'Orléans, descend six cents km plus au sud à celle du Nord. Béret, baise-en-ville et un air conquérant, il va à pied à son hôtel, l'a besoin de marcher, d'apprivoiser la cité méditerranéenne, de respirer le gaz d'échappement de la région PACA, oui, c'est bien le même que dans le bassin parisien. La caillera idem, en voilà deux qui s'approchent, couteau en main. Mais Monick, lui, n'est plus le même. Ça fait quatorze jours qu'il s'est remis au footing, pompes claquées et abdos. Il joue du triceps, t'envoie les deux marioles voler dans le caniveau, faut voir comme, et continue parce que Jodie l'attend. 


Il arrive au Parador****, les étoiles ne sont pas volées, hall de marbre blanc, large escalier à rampe en fer forgé, lustres de cristal, gerbes de lys, miroirs sans traces de doigts, le personnel groomé en tailleur bordeaux. Après avoir réglé les formalités à l'accueil, il s'enquiert de Madame Foster, il prononce Fosteur, comme on fait en France, on lui répond que Mrs Foster, avec un bel accent britiche, n'est pas encore arrivée. 


La chambre, magnifique à l'image du reste. Monick se sent à côté de ses pompes, voudrait bien se faire relooker par un styliste avant de rencontrer Jodie, mais il n'a pas le temps de s'apitoyer sur sa mine qu'il se fait happer par l'équipe du tournage. Ils sont enchantés, les gars, de son air effaré, il se croirait dans un poulailler, ça jacasse, ça crie et ça glousse, il les laisse faire et se laisse faire. Briefing, manucure, essayages, répétitions pendant trois jours. 


Puis Jack Nicholson arrive. Le Parador**** bourdonne, c'est assourdissant, Monick en vient à regretter le calme du perif aux heures de pointe.


Puis Jodie arrive. Monick est en transe. Il l'a attendue dans le hall, elle apparaît au milieu d'une foule, sa tête légèrement rejetée en arrière, comme elle sait si bien faire, ce sourire en coin, hmm ce sourire contenu et sarcastique, elle s'avance vers lui avec sa foule qui l'entoure, le dépasse et rejoint Jack qui vient à sa rencontre. Jack, ce beau vieux plus bon à rien, ce dinosaure du passé, ce pantin sorti d'un grenier. Monick est piqué au vif. 


C'est vrai que la romance du film, c'est entre eux ; lui, il a juste un rôle secondaire, tertiaire éventuellement, mais on n'est pas encore dans le film, là, quoi, qu'elle ouvre les yeux, Jodie, qu'elle passe pas à côté de lui comme s'il était le premier venu ! 'Tain quoi ! Il est descendu de Paris pour elle, de Pa-ris, faut croire qu'elle réalise pas.


Au dîner, toute l'équipe du tournage est réunie dans l'immense salle de réception, Jack et Jodie l'un près de l'autre, une vraie romance à gerber, si seulement il avait pu tomber sur l'autre option, décrypter les parchemins pour retrouver le trésor des Templiers. 


Aux grands maux, peu de mots ; il prend un lys dans un vase, se dirige d'une gestuelle accentuée vers Jodie et avec un baise-main galant et un sourire narquois offre la fleur à sa voisine de gauche. Piquées : la fleur dans les cheveux de la voisine et Jodie au plus profond de son orgueil.  Monick va s'assoire et se lance dans la grande ventrée. On n'a pas lésiné sur les moyens, potage de palourdes, terrine d'hirondelles, toasts de foie gras poêlé, filets de sandre estragon amandes, volailles et rôties, figues fourrées Saint-Marcellin noix de pécan, bleu d'Auvergne aux violettes confites, sorbets et tartes, elle est pas belle la vie ? il envisage sérieusement d'abandonner le plan daubé du RSA pour devenir acteur à temps plein. 


Le lendemain, premier jour de tournage.

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Chapitre 5

Monick se sent un peu seul. Personne ne s’est occupé de lui depuis son arrivée à 9 heures. Installé à une table de la terrasse intérieure, il admire le ballet des techniciens, électriciens, cameramen et photographes, maquilleuses et coiffeurs, accessoiristes, ingénieurs du son, et toutes sortes d’assistants, qui tourbillonnent sans se télescoper, tant chacun sait ce qu’il a à faire, autour de Djodie et Djack qui, indifférents au remue-ménage, répètent, discutent, rigolent ensemble et avec le réalisateur. Sans lui jeter le moindre regard, sont même pas venus lui dire bonjour au passage. Heureusement, il y a Hilde, la jolie maquilleuse à qui il a offert le lys, petite rouquemoute aux yeux bleus malicieux et à la bouche pleine et luisante comme un bonbon sucé. Elle lui a lancé moult sourires et œillades depuis le matin, en courant d’un figurant à l’autre.
Monick s’emmerderait presque mais après tout, c’est pas si mal payé, autant s’emmerder dans un palace de la Cote d’Azur qu’à la Défense, accroché à une nacelle en plein vent à deux cents mètres du sol. Pas non plus à se plaindre du séjour, c’est le grand luxe, un matelas des plus confortables et des draps de soie où Hilde la mutine ne va pas tarder, il espère, a se glisser. Et puis le bar au frigo rempli de bonnes choses solides et liquides, Et puis la bouffe, ah la bouffe ! Ce midi, « Chaton de lait caramélisé façon Poutine, servi sur son placenta » a annoncé la belle grande brune maîtresse d’hôtel. Un des plats préférés, paraît-il, des oligarques russes qui étaient jusqu’aux derniers événements ukrainiens la clientèle principale du Parador. Un summum de succulence, ce chaton, Monick en a repris deux fois. Avec une bouteille d’un petit blanc sec conseillé par le sommelier, irréprochable. Faudra penser à ramener un petit souvenir à Aubépine, la remercier du bon plan.
Enfin, en début d’après-midi, alors qu’il était au bord de s’assoupir, excès de placenta ? le metteur en scène l’a fait venir sur le plateau. « Hi Monick ! Tou es pawfaite, pas le peine to change le costioume, il est hmm… twès fwançais, hu hu hu. Well, tou vois Jodie pwès de le baloustwade là-bas, right, alow tou avances vew elle, tou t’arrêtes jeuste dewrrière, là elle se wetourne et te donne une petite claque et tou weviens, thats’all. ‘nderstand ? Right. Please… Action ! » Monick s’est avancé comme on lui a dit et arrêté juste derrière l’actrice qui s’est retournée, lui a jeté son fameux regard acéré macronien, et lui a collé une vraie torgnole de cowboy, la vraie baffe qui ne part pas du bras mais de l’épaule. Monick en a fait un demi tour sur place et est reparti comme un automate à son point de départ. A coté de la caméra, Djack était plié en deux de rire. « Marvelous, Jodie ! » a commenté le réal « Monick, c’était pwesque pawfait mais un peu twop statique, tou dois accompagner le gifle, ‘nderstand ? Allez, on la wefait, let’s do it again ! Sorry Jodie ! » Hilde est venue poudrer la rougeur brûlante des doigts sur la joue de Monick et lui a susurré « Poor little froggy, Jodie te fait payer la fleur, je crois... « Action » a ordonné le réal. Trois fois comme ça, trois regards macroniens inflexibles, trois méga baffes de cowboy. Et Djack qui en pissait dans son froc. En effet, quand on s’y attend et qu’on accompagne, ça fait moins mal, quand même Monick a la joue en feu et enflée, malgré la pommade délicatement appliquée par Hilde, et il est à deux doigts de distribuer du bourre-pif à Jodie et à Djack, et au réal dans la foulée. Celui-ci s’en est aperçu, il lance « Cut ! Let’s take a break ! »
Monick est retourné s’asseoir à sa table avec une bouteille de champagne abandonnée à demi pleine sur une autre table. Il a bien mérité ça. Tu parles d’un bon plan ! Tête à claque, le rôle ! Punching ball ! La scène suivante, il croit avoir compris que c’est avec Nicholson. Si c’est du même genre, ça va pas se passer pareil « vais te lui démonter le dentier à ce sale con ! On va voir si ça le fait rire… »
- S’il te plaît, dessine-moi un mouton.
C’est Djodie Fosteur. Il l’a pas vue venir. Marrant, elle est vraiment toute petite, minuscule : assis il est plus grand qu’elle debout. Son regard macronien est planté dans le sien.
- S’il te plaît, dessine-moi un mouton.
- Non.
- S’il te plaît…
- Oui bon OK.
Monick sort son quatre couleurs, se penche sur l’actrice et lui dessine un gros point rouge sur le nez. Macronien aussi, le nez.
- Voilà, un bouton. Maintenant, dégage !
- Very amaaaaaaziiiiing ! Typically french humour ! Joue moi de la guitare.
Elle lui tend une guitare flamenco. Ah le pot de glu…
- Je sais pas jouer de la guitare, moi. Va voir Thierry Lazert, lui il...
- Tous les Espagnols savent jouer de la guitare.
- Je suis p…
- Joue moi de la guitare !
Tout à fait la star, cette truffe, pas habituée à être contrariée, à ce qu’on lui refuse quoi que ce soit. Monick chope la guitare, la pose sur son genoux comme il a vu faire et miracle : ses doigts jouent, tout seuls, sans lui, ils courent sur le manche et c’est vraiment très très beau ! Si si.


Pendant quelques minutes, il a joué, merveilleusement joué. Vraiment beaucoup mieux que Thierry Lazert. Djodie le fixait, son regard n’avait plus rien de macronien, ses lèvres minces esquissaient un sourire carrément niais. Magie de la musique. Elle s’est approchée, lui a roulé un profond patin trop baveux, écœurant, et s’est introduite souplement dans la guitare. Incroyable ! D’accord, elle est toute petite petite mais… Intrigué, Monick a écarté les cordes et a glissé sa tête par la rosace en appelant « Hé la star ! T’es où ? » Pas de réponse, alors il est entré à son tour dans la guitare, beaucoup plus spacieuse qu’elle n’en avait l’air. Il y faisait sombre, il se déplaçait en longeant les parois. Les bruits extérieurs lui parvenaient étouffés comme s’il était sous l’eau. D’ailleurs, il avait la sensation de flotter, sans efforts, sans notion de temps, la température était idéale, il n’avait pas faim, ni soif, ni envie de ressortir tant il se sentait bien, en paix. Au bout d’un certain temps - plusieurs heures, plusieurs mois ? -, une lueur lui apparut qui révélait une sorte d’orifice, de fente entre les hanches de palissandre, tout au bout là-bas. Il se sentait irrésistiblement aspiré par cette lumière et passa la tête pour voir… Une voix forte résonna : « c’est un garçon, madame ! Un beau garçon ! » Monick se mit à pleurer. La voix dit : « ciseaux ! » puis « coupez ! »


Amusant ce rêve, presque fidèle à ce qu'il a vécu 20 ans avant, ce tournage de film... la jolie Hilde... Monick est bien ragaillardi par sa petite sieste. L’esprit clair. Voyons voir… deux options possibles, lui a dit la connasse conseillère du Bien Vieillir, pour faire court : devenir gibier humain pour le plaisir d’un richissime potentat ou être transformé en matière organique vivante... « Tain ça fait peur ça. Hé bien ma vieille, tu t’es planté sur mon compte, je choisis la troisième option : je vais m’occuper de toi. Je connais ton domicile. En plein Paris, sur l’Ile St Louis, tu ne te refuses rien, vieille peau, tu dois avoir de sacrés relations. C’est un quartier survolé le jour par les drones-flics, pas grave ça se fera de nuit, et quadrillé par les caméras, rien ne leur échappe. Sauf si on sait y faire. Pas pour rien que, dans le milieu, on m’appelle le Rat. Je m’infiltre, je m’insinue, la moindre faille je m’y glisse, les caméras je m’en joue, j’ai l’œil pour trouver l’angle mort, profiter du passage d’un véhicule, l’ombre d’un passant me suffit pour leur échapper. Donc, déjà me débarrasser de la conseillère. Et m’emparer de ses objets de valeur pour faire croire à un vol qui a mal tourné. Ensuite je me casse à l’étranger. »
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