Cette fenêtre, je l’aime. La condensation qui s’est formée dessus, je l’aime. Sa transparence qui me laisse voir le parc, je l’aime.
Debout, j’observe, happé par l’inoffensivité du moment. Il pourrait durer des siècles, ce moment. Tel Meursault d’Albert Camus dans son tronc d’arbre creux, je pourrais passer ma vie devant cette fenêtre car je suis en paix.
Je pense aux autobus, sans savoir pourquoi. Il me semble que je pourrais prendre un bus, s’il le fallait. Un bus. A-t-on connu plus simple que penser à un bus ? A-t-on imaginé plus réconfortant que l’idée de pouvoir prendre un bus, sans craindre une angoisse ? C’est cela que m’offre la fenêtre, une passerelle vers la tranquillité. Et vers un échantillon du monde : l’herbe et le grand arbre, et un peu plus loin l’autre bâtiment (je ne le connais pas, ce bâtiment), ainsi qu’à gauche, un haut mur gris et vieux qui vient fermer le parc. Je passe en revue les sentiments auxquels j’échappe, à commencer par l’impression de fausseté de ce qui m’entoure. Tout a l’air d’exister, de manière non questionnable. La vitre de la fenêtre joue innocemment avec mes sens. Transparente et solide à la fois, elle est un mystère. Qu’auraient pensé des hommes ou des femmes préhistoriques s’ils avaient trouvé une vitre ?
Je l’ai dit, je suis happé. Ça résulte entre autres en une immobilité quasi-parfaite : seuls ma tête et mes yeux sont mobiles. Le reste de moi ne bouge pas. Pour ne pas risquer de rompre le charme. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : je suis sous un charme, et je sais que l’équilibre est fragile.
Oui, cette fenêtre, je l’aime. Oui, la condensation qui s’est formée dessus, je l’aime. Oui, sa transparence qui me laisse voir le parc, je l’aime. Oui, je suis heureux.