Le Bastringue Littéraire
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Saint-Exypéru

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21012024
Saint-Exypéru

Antoine de Saint-Exypéru naquit à Port-les-Bateaux,
un joli village au bord de l'Océan Aquatique. Enfant,
il aimait regarder les vagues s'élancer fièrement à l'
assaut des rochers, les navires et les voiliers danser
sur l'eau, et les pêcheurs remailler leurs filets sur la 
jetée en racontant des histoires de marins. Il peignait
de jolies aquarelles maritimes dans lesquelles il lais-
sait libre cours à sa fantaisie. Sa préférée, qui repré-
sentait une mouette tricolore sur un rocher jaune,
trônait au-dessus de son lit. À la maison, délaissant
ses petits soldats, ses billes ou son mécano, il s'as-
seyait devant le buffet du salon pour contempler le
joli trois-mâts que son grand-père avait mis jadis en
bouteille. Un jour qu'il était resté plongé dans ses rê-
veries plus longtemps qu'à l'accoutumée, maman 
cousant et papa lisant le journal, il se leva d'un bond 
et s'écria : "Quand ch'rai grand, ch'rai aviateur !"
À l'école, il brillait en rédaction et, vers l'âge de dix 
ans, il écrivit une courte nouvelle intitulée "L'épopée
du ciel" dont le héros, John Guillemer, franchissait
la Cordière des Indes (sic) pour découvrir la Mer de
Feu. Il composa aussi une chanson qu'il fredonnait
inlassablement, une chanson d'un seul couplet, qui
laissa ses géniteurs perplexes :

"Comme un avion sans ailes
 Qu'aurait plus d'carburant,
 J'me suis crashé sur celle
 Qui ronfle au Bois Dormant." 

Quand il eut vingt ans, il fit son service militaire dans
l'A.A.C.(Armée de l'Air et du Ciel), en sortit avec son
diplôme de pilote, et, comme il voulait voir du pays, 
s'engagea dans l'Aéropostale, une sorte de Poney-
Express où Buffalo Bill aurait chevauché Pégase. 
Peu après son arrivée, il écrivit à ses parents : 

 "... Je suis bien ici, mon travail me plaît beaucoup.
 J'ai pour mission de transporter du courrier en
 français de l'autre côté de la Cordillère des Andres
 (re-sic) et de l'échanger contre du courrier en étran-
 ger. J'ai fait copain avec Mermoz, le champion du
 monde des pilotes, un type super !..."

Jean-Pierre Mermoz, JP ou Mémer pour les copains,
"Manche à balai" pour les copines, était le fils de Paul
Mermoz, le fabricant de lait en poudre pour bébés, 
concurrent de Guigoz. La notoriété de son fiston lui
avait inspiré ce slogan ravageur : "Le lait Guigoz fait
des lopettes, le lait Mermoz fait des pilotes". S'en
suivit un procès retentissant. Comme on le verra 
plus loin, la formule n'était pas mensongère.
Antoine avait menti à ses parents : son travail com-
portait des risques. Un jour, au-dessus de la Cordillère,
le moteur lâcha et il fallut se poser en catastrophe
dans les neiges éternelles. Allaient-ils mourir ici, lui
et Jojo le mécano ? C'est alors que surgit devant eux,
vêtu de sa peau d'alpaga, la crinière en bataille et la
barbe en broussaille, celui qu'on disait abominable :
Alpahuaga Yupanqui, l'Homme des Neiges ! Notre
duo était prêt à la bagarre, clé à molette et marteau
en mains, mais lorsqu'il fut tout proche, Alpahuaga
leur fit un grand sourire idiot et, les prenant dans ses
bras énormes, leur roula un patin des plus affectueux.
"Mais il est pas du tout abominable, cet Homme des
Neiges !" s'écria Antoine. "C'est ben vrai, dit Jojo, par
contre, qu'est-ce qu'il pue de la gueule !"
Après que Jojo-les-doigts-de-fée eût réparé le moteur,
Alpahuaga, fort comme un bœuf, les aida à tracter le
zinc en haut d'une bosse, afin qu'il puisse prendre de
l'élan et redécoller. Les adieux furent déchirants, tous
trois pleurèrent beaucoup et, bien des années après,
Antoine conta cette aventure dans la jolie nouvelle 
"Alpahuaga mon ami".
Un beau matin, le fils du patron de l'Aéropostale, le
petit Daurat, un moutard casse-bonbons qu'on sur-
nommait La Glu, déboule dans la chambre de Saint-
Exypéru et lui demande : "Dessine-moi un mouton !"
Antoine dessine la bestiole et le môme lui balance :
"Il est moche, ton mouton. Dessine-moi une girafe !"
"Tu commences à m'courir, dit Antoine. Tiens, la v'là,
ta girafe." "Elle est à chier, ta girafe ! Pis j'm'en fous,
j'aime pas les animaux. Dessine-moi une tour Eiffel !"
"Putain, mais quelle plaie ! se dit Saint-Ex. À la pre-
mière occasion, j'le flanque avec le courrier et j'le
largue au dessus d'la Pampa." Mais il avait à peine
viré La Glu d'un coup de savate dans les miches,
qu'une illumination lui traversa le cerveau. Il prit 
un bloc-notes, un stylo et se mit à écrire.
Trois mois plus tard, Casterman publiait "Le Petit 
Chieur" de Saint-Exaspéré, illustré par l'auteur. Le
succès fut foudroyant. L'éditeur demanda une suite,
qui reçut le même accueil. Dès lors, Antoine démis-
sionna pour se consacrer pleinement aux aventures
de son "héros" et publier "Le Petit Chieur à la plage",
"Le Petit Chieur en colo", "Le Petit Chieur à la ferme"
etc. Puis ce furent, sous son vrai nom, les romans 
inspirés de l'Aéropostale : "Quand les facteurs ont 
des ailes", "Vol au-dessus des oies sauvages", "Le
courrier de la dernière chance", "Mémer, mon pair,
mon frère", pour ne citer que les plus célèbres.
Et la guerre arriva. 
Bien qu'ayant atteint la quarantaine, Saint-Exypéru, 
patriote de la tête aux pieds, s'engagea dans l'armée
des avions. On avait d'abord refusé de le prendre, à
cause de son âge, mais il bassina tellement les auto-
rités militaires qu'on lui donna un uniforme et un zinc
pour avoir la paix. Le Petit Chieur avait déteint sur son
créateur. 
C'est lors d'une mission de reconnaissance au-dessus
de la Mer des Flots Bleus qu'il vit venir l'avion ennemi.
Celui de l'Ange Exterminateur. Le Messerschmitt rose
framboise. "Non ! Pas ça ! Pas LUI !" s'écria Antoine.
Hélas, si, c'était lui. Karl von Koenigsberg. Alias "Le
Baron Rose". La terreur des pilotes Français et Alliés.
Bébé, il avait d'abord été nourri au lait Guigoz, mais un 
médecin avisé conseilla aux parents le lait Mermoz. 
Résultat, on avait Karlotta la tarlouze au sol, et Karl 
le pilote de l'Apocalypse dans les airs. Antoine savait
qu'il ne faisait pas le poids. Il n'était pas un pilote d'
exception comme son copain JP. JP qui cependant
avait disparu en mer, tel Nungesser avec son colis.
"Tant pire ! qu'il se dit. J'suis Saint-Exypéru, le grand
écrivain, bordel ! J'peux pas mourir en m'débinant
comme une merde ! Désolé, Casterman, t'auras pas
"Le Petit Chieur au Poney-club". À l'attaaaque !"
Deux minutes plus tard, les ailes cisaillées par les
rafales du Baron Rose ("Comme un avion sans ailes"
fut sa dernière pensée), le zinc d'Antoine s'écrasait
dans la Mer des Flots Bleus.
C'est ainsi que Saint-Exypéru périt.
Au début des années 2000, un pêcheur remonta dans 
ses filets une montre rouillée au dos de laquelle il lut,
médusé, le fameux patronyme. De quelle marque, la
montre ? Rollex, évidemment. Si, à quarante piges, tu
claques sans avoir une Rollex au poignet, coco, t'as
raté ta mort.


Dernière édition par Jihelka le Mar 23 Jan - 23:33, édité 4 fois

Salima Salam, DédéModé et Thierry Lazert aiment ce message

Commentaires

DédéModé
« autotites » ?
Jihelka
Ha ! Je me demandais ce que voulait dire "autotites"... Merki !

DédéModé aime ce message

Fantine
Bel hommage à un grand écrivain qui utilisait des mots sans prétention. 
Le Petit Prince m'a fait rêver pendant longtemps.
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