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L'homme-oiseau venu du futur

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19012023
L'homme-oiseau venu du futur

      À mon réveil, j’étais déjà réveillé puisque je me tenais là, debout en face de moi, souriant bêtement, accoutré d’un costume bizarre et tenant à la main un sac en plastique Kiabi.
      — Tiens ! C’est moi ? fis-je.
      Mon sourire idiot s’élargit et je clignai malicieusement de l’œil à mon adresse.
      — Qui veux-je que ce soit ? répliquai-je, avant d’ajouter, sur le ton de la confidence : Je viens DU FUTUR.
      — Vraiment ? fis-je, intéressé.
      Je me redressai dans mon lit pour m’examiner de plus près, et vis que j’avais, en effet, les rides du visage bien plus accusées que d’habitude et les tempes complètement blanches sous ma drôle de casquette.
      — Dans ce cas, je tombe bien. Il y a une chose que je vais peut-être pouvoir me dire.
      — Je m’écoute, fis-je obligeamment.
      — Est-ce qu’elle... ? chuchotai-je en indiquant du pouce le tas de draps informe qui ronflait comme un sourd à mes côtés.
      — ... va continuer à m’envoyer paître matin après matin, au lieu de me servir mon petit café, comme toute bonne épouse qui se respecte ? terminai-je à ma place. Alors là, mon vieux, je ne voudrais pas me décevoir, mais je ferais mieux d’abandonner toute espérance. Et j’ajouterai qu’elle va également continuer à me tromper impudemment.
      — Avec ce crétin de Jean-Gérard ?
      — Avec Jean-Gérard, avec le vieux du cinquième étage, avec plusieurs postiers contractuels (séparément), avec une créature arachnoïde venue de la planète Mars, avec deux policiers en service, dont un bègue, avec un bataillon de chasseurs alpins (le 24ème) égaré en forêt de Fontainebleau, et j’en oublie sûrement car elle ne me dit pas tout.
      — La chienne putride ! lâchai-je.
      — Je ne me le fais pas dire, renchéris-je. Mon pauvre ! Si je savais ! Elle n’a pas fini de m’en faire voir.
      — Du genre ?
      À ces mots, je secouai négativement la tête et finis par répondre, visiblement embarrassé :
      — Euh, désolé, mais je ne peux rien me révéler de concret : ça risquerait de provoquer tout un tas de paradoxes temporels, je comprends ?
      — Bon, fis-je en haussant les épaules. En tout cas, je me remercie pour ma franchise.
      — Pas de quoi.
      — À propos, qu’est-ce qui m’amène, au juste ?
      Je me frappai violemment le front et mon sourire revint.
      — Hé hé ! J’ai vu le costume ? m’exclamai-je en écartant les bras.
      C’était une sorte de vieux bleu de travail sur lequel étaient collées un peu partout (et n’importe comment) des centaines de plumes de pigeon. Je tournai la tête pour me faire voir celles fixées aussi au sommet de ma casquette et qui me faisaient comme une huppe.
      À vrai dire, ce soi-disant costume me parut proprement minable, mais, ne voulant pas me faire de peine, je me composai une mine appréciatrice pour répondre :
      — Très joli. C’est moi qui l’ai fait ?
      — Affirmatif ! plastronnai-je. Je suis bien content qu’il me plaise. J’ai le même pour moi.
      Et je tirai de mon sac en plastique un second déguisement d’oiseau, tout aussi navrant que celui que je portais. J’échangeai un long regard réciproque. Puis, comme il me semblait percevoir chez moi une pointe d’hésitation, une ombre de doute, un soupçon d’incrédulité, je fronçai les sourcils et m’adjurai vigoureusement :
      — Il faut que je le mette ! C’est absolument nécessaire pour se rendre là où je m’emmène.
      — Et peut-on savoir où je m’emmène ? demandai-je en me levant, résigné, pour ôter mon pyjama et revêtir le harnachement ridicule que je me tendais avec tant d’insistance désespérée.
      — Hé hé ! Ça, c’est une surprise ! clignai-je malicieusement de l’œil. Mais je vais voir que je ne le regretterai pas. Tout ce que je peux me dire, c’est qu’il s’agit d’un truc époustouflant qui pourrait changer la face de l’univers.
      — Je m’en dirai tant ! Dans ces conditions, je n’hésite plus, annonçai-je en enfilant mon costume d’oiseau, dont quelques plumes se détachèrent pour flotter paresseusement jusqu’à la descente de lit.
      Une fois équipé, je me dirigeai vers la porte, mais je me retins pas le bras en disant :
      — Pas par là ! Je connais un raccourci.
      Sur quoi j’ouvris la fenêtre, écartai les volets, m’élançai en un sublime saut de l’ange... et m’écrasai l’instant d’après sur le trottoir, douze mètres plus bas.
      Je restai un long moment à contempler, mélancolique, les dernières plumes qui, voletant de-ci, de-là, finissaient leur chute sans se presser. Puis je refermai la fenêtre, ôtai le costume et me recouchai près de ma femme, qui avait cessé de ronfler et marmonnait quelque chose au sujet de son ami Jean-Gérard (ce porc).
      Du comportement de mon moi futur, qui gisait à présent sur l’asphalte, baigné par les premiers rayons d’un chatoyant soleil de printemps, je pouvais inférer sans difficulté que j’allais, à un moment donné, sombrer dans la folie... Mais quand exactement ?
      J’avais oublié de me le demander.


Dernière édition par Bella de Vnirfou le Dim 22 Jan - 10:33, édité 4 fois

Salima Salam, Thierry Lazert, Norsk et Martine Lenoir aiment ce message

Commentaires

Salima Salam
C'est d'un drôle ! Du début à la fin, drôle d'une traite ! Et d'une écriture très juste. J'aime particulièrement un peu chaque phase.

Bella de Vnirfou aime ce message

Bella de Vnirfou
Merci de ta lecture et de ton retour, Salima. :))
Les couleurs qu'on donne aux titres, c'est juste pour faire joli ou ça a une autre utilité?
Salima Salam
C'est juste pour faire joli. J'ai même envisagé de supprimer cette option, juste pour avoir une interface plus sobre et plus aisée à manier. Mais j'étais pas encore décidée. J'essaie de trouver le compromis entre liberté de chacun et utilité. Tu peux toujours te plaindre si c'est pas comme tu veux, quand c'est possible j'exécute les suggestions.
Bella de Vnirfou
Loin de moi l'idée de me plaindre, je viens juste d'arriver. :))
Je trouve ça sympa les couleurs, ça attire l'oeil. Faudrait pas que tout soit gris.
Salima Salam
Ah, les couleurs m'en parle pas, je suis en train de chercher les couleurs ideales pour le site, entre le sobre et le joyeux, le lisible et l'esthétique, les goûts et les couleurs, tu sais. Je vais faire des propositions dans une qutre rubrique, tu pourras donner ton avis aussi, si tu veux.

Bella de Vnirfou aime ce message

Thierry Lazert
J'ai beaucoup aimé ce texte, ou plutôt cette histoire, car elle m'a fait penser, vous allez rire, à moi. Moi qui tourne en boucle sur moi-même, moi qui me regarde être moi, etc. Et là, la question est traitée de façon plutôt radicale, je me dis. Je suis un ignare en littérature, mais quelque chose me dit que le thème du moi/moi y est assez représenté. Ici c'est drôle, on s'amuse souvent d'avoir du mal à comprendre des tournures peu naturelles, jusqu'à la... chute marquée du sceau de l'humour !

Bella de Vnirfou aime ce message

Salima Salam
Ah c'est très amusant, ça, j'ai pensé et pas osé écrire que c'était du style Lazert, ce texte, très absurde, drôle et très bien écrit. J'ai pas osé l'écrire, parce que j'étais pas sûre de moi, on peut se tromper avec les impressions, et puis parfois c'est réducteur de comparer les auteurs les uns avec les autres. Mais j'ai trouvé une ressemblance avec le style Lazert, pas avec le Lazert.

Thierry Lazert aime ce message

Bella de Vnirfou
Il est réjouissant de voir ce texte susciter autant de réactions.

@ Thierry: Ah ah! je présente par avance mes excuses à tous ceux qui se reconnaîtraient dans le narrateur (et son interlocuteur!) de ce petit délire.

Pendant que j'y suis, je demande pardon également aux femmes qui se trouveraient une certaine ressemblance avec la chose informe ronflant sous les draps tout au long de ce dialogue. Entendons-nous bien: cela n'était pas voulu.

A part ça, et plus sérieusement, il est notoire que tout/e auteur/autrice ne parle (sous couvert des déguisements les plus tortueux) que de lui/elle et de rien d'autre.

Salima Salam et Thierry Lazert aiment ce message

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J'adore ce genre de texte absurde à souhait ! Comment ça s'appelle un dialogue entre moi et moi ? Un bimonologue ? 😁
Petite remarque : vous avez laissé passer des pronoms personnels à la 2ème personne : te servir, te tromper... Il y en a 3 ou 4.

Bella de Vnirfou aime ce message

Bella de Vnirfou
Merci! J'ai corrigé.

Norsk aime ce message

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