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Le quart d'heure de torture

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17022023
Le quart d'heure de torture

    Il prendra place sur sa chaise de fer banale, jaune néanmoins, comme si le Soleil était descendu la peindre lui-même. Il respirera profondément, appréciant l’oxygène, juste un peu réchauffé, de la salle de classe toujours ouverte, la relique de son sourire intérieur dans la châsse de son cœur. Il ouvrira religieusement un livre pour la dernière fois. La main gauche calera l’ouvrage, comme on stabilise au port les navires. La droite aura gardé la mémoire des grains des milliers de pages qu‘elle aura déjà eues le plaisir de parcourir. Il ne sera pas aveugle, mais il aimera caresser les textes comme les chats ou les chiens, qui n’existeront plus d’ailleurs. Il percevra la fragrance délicate de l’encre, qu’il ne comparera pas à une fleur, car les roses, les marguerites, les lys… on pourrait terminer cette autre page avec la liste, auront disparu aussi. Il songera que les livres ont une odeur bien à eux, souvent différente de l’un à l’autre, comme s’ils étaient un corps, comme s’ils étaient parfumés ou au contraire dans la négligence de leur âge. Il se souviendra des quelques vieux spécimens, rencontrés sur les rayons des bibliothèques, dont les couvertures râpées auront semblé timidement lui parler. Il pensera aux ouvrages neufs, arrogants eux, qui auront eu la prétention de l’interpeller chez les libraires, qui auront fleuré, avant que d’être ouverts, toute l’industrie du livre. Il fermera les yeux une minute, se remémorera ses grands moments de lecture, ses découvertes, ses nouveaux mondes, ses Amériques de poches à portée de la main et de l’esprit. Enfin, comme on prend une ultime bouffée de cigarette avant son exécution et cul-sec le petit verre de rhum, il se mettra goulûment à lire :
 
 
    « Il sera une fois encore une dictature de plus. De trop ? On n’aura pas le droit de le penser. Pour en être plus sûr, le ministre de la rééducation nationale, très investi dans sa charge, proposera une mesure innovante, largement susceptible de redresser les pensées les plus rétives. Il s’agira d’instaurer dès le collège, pour chaque niveau, dans chaque classe, une fois par jour, cela suffira dans un premier temps, un « joli quart d’heure de torture ». Telle sera la dénomination officielle, le mot « joli » considéré par les grammairiens du régime comme un adjectif superlatif. L’organisation sera des plus simples. L’élève le plus puni durant le premier mois de l’année scolaire sera le premier bourreau, le moins puni sera le premier supplicié. Le lendemain on inversera les rôles. Le professeur aura la délicate mission de dresser la liste de passage des couples de torture suivants.
    Les tables de la salle auront été préalablement disposées en V, la pointe de la lettre dirigée vers Victoria, la nouvelle capitale. Le professeur se tiendra à son bureau, droit comme un I et comme un juge. Il aura d’ailleurs un marteau sentencieux pour écraser le bruit, ou le silence, ou ses propres doigts s’il ne se trouve pas suffisamment à la hauteur de l’Inhumanisme, la religion philosophique d’État alors prospérant. Il ne sourira jamais autrement que par un rictus savamment travaillé, dès la faculté, dans les ateliers du rire rare.
    Le quart d’heure de torture aura lieu le matin, bien sûr, un peu à la manière des exécutions anciennes, à la toute première heure de cours, et d’octobre à août, continûment. Point de vacances évidemment pour les études, pour la souffrance, et pour l’apprentissage de l’obéissance. Ainsi le redressement des consciences sera renforcé par la répétition tout au long de l’année des sévices choisis. Nul ne pourra s’y soustraire puisqu’il sera interdit d’être absent. Les malades auront toutefois une séance adaptée à leur état physique et mental. S’ils sont bourreaux, ils pourront demander à un remplaçant de torturer pour eux, à la condition de donner des instructions précises et de ne pas quitter la salle. S’ils sont suppliciés, ils pourront échanger la séance du jour contre deux autres ultérieures mais consécutives, et ce dans un délai raisonnable.
    Il ne faut pas s’imaginer pour autant que le régime d’alors sera totalement déshumanisé. Tout au contraire. Ce serait méconnaître l’Inhumanisme. Le sang ne coulera pas, les chairs ne seront ni contusionnées, ni incisées, les ongles ni les dents ne seront arrachés. Aucune amputation ne sera permise. On ne sera pas brûlé non plus. Cependant on pourra être tondu, rasé, dépouillé, souillé, humilié. Jamais écorché ! Le narrateur insiste sur ce point de réalité future modérée. Il ne saurait avoir peur de se terroriser lui-même par de trop terribles évocations. Il se croit de plus digne de foi, peu affabulateur dans la fonction romanesque qu’il exerce, et il demande au lecteur de poursuivre sans crainte d’imposture.
    Le nouveau système fonctionnera très bien quelque temps. Jusqu’au printemps de la troisième année pour être précis, jusqu’au jour de l’équinoxe et des grandes marées. Il faut dire que l’imagination créatrice du Chef Suprême sera peu bornée. Ce sera lui qui édictera, dans un petit manuel rouge à l’usage des enseignants, après la première année d’expérience, la typologie des sévices du « joli quart d’heure de torture », soient deux catégories : les humiliations, les claustrations. Il dressera aussi une liste très longue de suggestions, non exhaustive et à compléter, selon son souhait en préambule. On a déjà cité la tonsure et la souillure. Ajoutons pêle-mêle le reproche, la torsion, l’invective, la ligature, l’injure, l’écrasement, la prédiction funeste, l’étouffement, la calomnie, l’oppression de la boîte… Oui, la boîte. La simulation de l’enfermement funèbre. Avec cloutage au pistolet automatique du couvercle. Puis sensation de légère descente, d’inhumation, ou de chaleur extrême, d’incinération, selon l’esprit de la saison.
    Nous voici donc en mars. Dans une classe en bordure d’océan, le V des tables, un peu arrondi d’ailleurs, ne pointera pas tout à fait la capitale, mais plutôt le pôle nord magnétique, le delta de la lettre ouvert au sud. Le professeur de lycée, flottant entre deux âges, amateur de romans-textos, chasseur d’images, et même pêcheur parfois, aura choisi, dans la négligence d’une habitude de plus, sans s’en douter une seconde, comme partenaires de torture, un vrai couple, récemment formé, ignoré de beaucoup, il est vrai. Le bourreau sera la jeune fille, point laide, très imaginative, et amoureuse. Le jeune homme, quoique non sans charme, sera naïf, on s’en doute, et même un peu poète, malgré la rationalité omniprésente de la dictature, de la classe préparatoire aux maisons de retraite. On se méfie toujours plus des jeunes qui ont tout à gagner, et des vieux qui n’ont rien à perdre. Il n’est pas nécessaire de se le dire. C’est ainsi qu’il aura écrit, le petit descendant spirituel de Rimbaud, des vers très réguliers apparemment à la gloire du Chef Suprême, et des chansons rythmées, on ne sait comment un peu triste.
    Lectéa le sera aussi qui devra « punir » son Publius, car la perversité ne sera en elle ni innée ni acquise encore. Elle choisira cependant sans hésitation la voie de la claustration, pensant qu’un enfermement s’oublie, pas une honte, que ce soit un quolibet ou un crachat. Elle ne trouvera rien, dans la liste des « boîtes », qui lui convienne, qui soit assez peu indolore. Elle se souviendra soudain de la « poche amniotique », présentée récemment dans un atelier d’investigation, technique originale de plongée in utero, de reconstitution de l’état prénatal, expérimentée par les forces de police maritime du quartier pour disséquer la psyché des suspects, déterminer leur degré de culpabilité intrinsèque, un peu comme la phrénologie au dix-neuvième siècle.
    On amènera le caisson de simulation au centre de la classe, et la séance commencera sans plus tarder. Publius y pénétrera comme un magicien s’apprêtant à disparaître. Il fera un signe de complicité à Lectéa qu’il étendra à l’ensemble du public, y compris le professeur, et peut-être le Chef Suprême dont les yeux et les oreilles seront partout. On verrouillera l’espèce de sarcophage moderne à hublot, qui fera aussi penser à un scaphandre horizontal, ou à une longue pendule renversée par un tremblement de terre ou des Vandales. Son visage apparaîtra d’abord de marbre par la petite lucarne, et on s’attendra à ce qu’il sonne silencieusement l’heure solennelle. On verra sa paume d’Adam déglutir, et on comprendra qu’il aura été projeté dans l’extrême passé de sa propre gestation. On aura alors la surprise, allongée comme un café américain d’antan, de le voir sourire d’un bout à l’autre du quart d’heure. Il racontera à sa sortie à Lectéa, à l’assistance des futurs bourreaux et suppliciés, au professeur ne sachant que faire de son marteau, aux oreilles maudites du dictateur, qu’il aura réentendu une des lectures que sa mère et son père faisaient au fœtus attentif qu’il était, durant la toute dernière période de gestation, jusqu’à la délivrance, la lecture répétée, de quart d’heure en quart d’heure, de la dernière nuit avant sa naissance : Le livre de Jonas. »
 
 
    Comme on quitte son pays et son rêve pour ne plus jamais revenir, il refermera lentement le livre, les yeux rivés aux derniers mots, vagues roches brisées s’ensablant en limite de la mer narrative. Il repensera aux enfants du capitaine Grant voguant d’un continent à l’autre, à sa propre enfance assise et exploratrice, malgré les crises d’asthme, aux cinq semaines en ballon à jouir de rotondités, au tour du monde en quatre-vingts jours à courir avec Phileas Fogg, aux vingt mille lieues sous les mers à méditer avec le capitaine Nemo, et aux amours de Michel Strogoff qu’aveuglent le sabre fou, la belle Nadia, et la grande Russie tsariste. Il entendra encore une fois l’accent naïf de la chanson de Gavroche, le coup de feu rapide et assassin, la chute légère du gamin, une cartouche à la main, comme la fleur des révolutions. Il se récitera trop rapidement « Ma bohème » et « Le dormeur du val », se sentira, fuyant sur la via sacra des Lettres aux dalles grises apeurées, professeur « idéal », poursuivi par une gomme géante bleue et rose, monstre moderne à la fausse innocence des couleurs. Accablé et heureux de souvenirs littéraires, il relèvera la tête. Il regardera par les fenêtres le Ciel qui refusera de ne plus être azur, le Soleil qui s’obstinera à monter, quelques hirondelles qui écriront un savant poème en une longue phrase unique, infinie, tissée en arabesques. Il voudra dire quelque chose d’un peu solennel, de suffisamment ressenti et profond, qu’il puisse ensuite sans regret se taire à jamais. Aucun son ne sortira de sa bouche morte, aucun crapaud, aucun diamant, en l’absence de sortilèges, mais sur ses lèvres muettes qui auront tant redit de vers, ses élèves liront dans la brièveté forcée des épitaphes : « Voilà, c’était le dernier quart d’heure de lecture… Fermez vos livres. Avez-vous entendu claquer comme la grande porte du Temps ? Puissent, telles des roses d’autrefois, dans un blanc crème cérémonie, qui ne se fanent, vos consciences s’entrouvrir ! » On percevra simultanément, se rapprochant inexorablement, roulant un tonnerre enroué, comme des bruits de bottes molles « ta ga da, ta ga da », qui sembleront défoncer gentiment le sol et la petite éternité du présent, et on se demandera si apparaîtra, dans l’encadrement aux quatre vents de la porte, le capitaine d’une troupe de grognards français, ou des Cosaques Zaporogues élégants et féroces, ou des Ours de Sicile et d’ailleurs, ou un Ogre moderne à huit pattes et huit yeux, à l’intelligence joliment compartimentée et aux belles dents, « ta ga da boum, ta ga da boum », et au ventre-baleine.







Dernière édition par Garcia Alexis le Dim 19 Fév - 21:15, édité 2 fois

Salima Salam, Thierry Lazert et Blackmamba Delabas aiment ce message

Commentaires

Salima Salam
Bonjour Monsieur Garcia,

Bienvenue sur le Bastringue ! J'espère que vous trouverez les lieux à votre convenance, si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à vous plaindre.

Permettez que je vous fasse un compliment sur votre écriture, qui est un harmonieux ensemble d'idées, de références et de drôlerie. Je dirais qu'elle est riche, au sens où vous semblez prendre plaisir à formuler chaque phrase et lui donner un dynamisme particulier, pour la faire participer à ce petit spectacle que vous mettez en scène pour le lecteur. (Mais oui, ma formulation est assez alambiquée, hélas, pas évident parfois de mettre des mots sur des impressions).
Et donc beaucoup de références, qui font de la lecture un moment stimulant. Et l'originalité de l'approche. Et la richesse du vocabulaire associé à la clarté de la syntaxe. Ici une répétition ? "Nul n’y pourra s’y".



Vous vouliez peut-être une critique négative ? Je suis désolée, ce sera pour une autre fois. Si vous y tenez vraiment, et ma remarque ne porte que sur ce texte-ci et sur Métamorphose d'un grumeau sur Wikipen, éventuellement un manque de profondeur et gravité, et peut-être pourriez-vous mettre votre plume au service d'une grande idée, si vous ne le faites pas déjà, ça irait très bien à votre façon de tourner en amusante dérision, sans être cassant ni blessant ni condescendant.
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Cher auteur,


Le titre de la nouvelle fait-il référence à ce qui attend le lecteur ? Ne m'en veuillez pas, je suis assez taquine. Néanmoins, j’avoue avoir eu du mal à entrer dans votre texte tant le style m’a rebuté. Cette abondance pénible de phrases trop longues pour ce qu’elles ont à dire (n’est pas Proust qui veut), freine et hache constamment la lecture. Elles gagneraient à être élaguées de ces surcharges et précisions inutiles, parce que c’est assez décourageant à lire. Quant au fond de la nouvelle, je ne sais pas où vous avez voulu en venir. Je reste donc très circonspecte et vous remercie pour la lecture.
 
Anna
Garcia Alexis
Chère lectrice Anna,

Merci d'avoir eu le courage de lire ce qui vous rebute. J'entends votre bon conseil, mais je ne peux le suivre. "Elaguer" serait me renier. Je recherche ces longues phrases. Pas pour imiter Proust, évidemment. D'abord parce que je suis imprégné de proses latines. Ensuite, j'aime que le texte résiste un peu, que la compréhension ne soit pas forcément immédiate. Comme le disait l'un de mes inspecteurs pédagogiques (j'enseigne le français), c'est agréable de lire Harry Potter, mais il n'y a rien à expliquer ou presque. C'est toute la différence entre la littérature "plaisir" que je ne méprise pas, et la littérature d'art qui est mon domaine. Je travaille mes textes comme des poèmes, autrement dit à la première lecture, on ne voit pas tout.
Cordialement.
Garcia Alexis
Bonjour Salima Salam,

Merci pour la correction. Le "y" a la fâcheuse habitude de s'insinuer où il n'est pas utile. 
A propos de la suggestion d'engager ma plume, j'écris un texte antimilitariste que je publie sur Atramenta : Lettres d'un jeune soldat russe.

Et maintenant parlons "typologie" ! Je m'amuse à classer les oeuvres littéraires en fonction de leur intentionnalité. Pour le moment, je distingue six raisons d'écrire et donc de lire :
1. Le plaisir : Arsène Lupin, Jules Verne.
2. L'enseignement : Les travaux et les jours, De la nature des choses, De amicitia.
3. La louange : tous les éloges. 
4. La défense d'une cause : Les misérables.
5. L'écrit comme outil de découvertes, d'expérimentations : Le parti pris des choses.
6. L'Art : surtout les poètes surréalistes.
Remarque : Une même oeuvre peut entrer dans plusieurs catégories. 

Cordialement.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Volontiers j'irai lire vos lettres. 

A propos de typologie, vous avez quelques années de réflexion et d'analyse d'avance sur moi, puisque vous êtes enseignant, alors il est plus raisonnable que je la prenne comme vous la présentez. Mais je vais y réfléchir, voir s'il me vient une idée à ce sujet.
Et naturellement les œuvres que vous proposez glissent tout de suite d'une catégorie à l'autre dans ma tête.
Par ex Jules Verne, ok plaisir, mais aussi pour une part enseignement, avec les descriptions techniques et géographiques etc., et puis une petite part idéologique je trouve, avec ses sociétés autarques parfaites et son modèle des rôles des genres.
Bon, je vais repasser plus tard, en fait votre classification n'est pas bien claire pour moi, je dois y réfléchir.

Garcia Alexis aime ce message

DédéModé
Bon ! la Dame et la Damoizelle n'ont encore rien compris ; on se demande bien ce qu'elles deviendraient sans Dédé l'Exégète !
Apprenez donc, Mes Dame et Damoizelle, que l'Auteur nous donne à voir le monde sur la voie duquel nous nous engageons : celui du totalitarisme triomphant, de l'écrasement de la civilisation par la barbarie, de la substitution de la torture à la culture.
Alors non, Madame la Taulière, ce n'est pas que l'exercice d'un style, qu'on peut par ailleurs apprécier ou non, Damoizelle, mais qui a au moins le mérite d'exister. Je n'ai quant à moi pas vu de mots en trop, considérant l'approche poëtique de l'Auteur, seulement deux lettres d'un accord malheureux.
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" l'Auteur nous donne à voir le monde sur la voie duquel nous nous engageons : celui du totalitarisme triomphant, de l'écrasement de la civilisation par la barbarie, de la substitution de la torture à la culture."


Vous pouvez nous la refaire sans trembler des genoux, celle-ci, Dédé ?


Sans dec, vous devez nous imaginer, Salima et moi, en forme de poteries cévenoles avec des anses, non ? Qu'est-ce qui vous a échappé dans la révolution industrielle, le taylorisme, Hitler, Staline and Co ? (et j'en passe...) I see nothing new under the sun...


Après le style de la nouvelle, j'admets que c'est très subjectif, je me suis déjà exprimée dessus.


Pouett !

Dernière édition par Anna Panizzi le Sam 18 Fév - 10:04, édité 2 fois
Salima Salam
Monsieur de la Dédésinformation,
Oui, vous avez raison sur le type du texte, pas (seulement) plaisir, mais enseignement et défense d'une cause.
Par contre, votre capitalisme, hon hon ! Il a bon dos, vous lui mettez tout sur le dos pour ne pas aller au bon endroit chercher la bonne cause ! Rien compris au monde, il a, le Dédé ! C'est une caricature de ce qui se passe déjà en petit dans les écoles, où ni enseignants ni élèves ne s'épanouissent, d'où la culture, la délicatesse des idées, l'épanouissement des dons individuels ont foutu le camp par les bons soins de L'ÉDUCATION NATIONALE !!!! Pas enseignement national ! ÉDUCATION !!!!!! Non mais franchement, notre belle constitution, accorde-t-elle le droit inaliénable et naturel de l'éducation aux parents ou à l'état ? Mes enfants sont-ils ceux de l'état ? Je les héberge la nuit et les rends à l'état le matin à 8h30 ? Et donc l'état, ou du moins ceux qui y font mauvais usage de leurs fonctions, suit ses propres intérêts pour déshumaniser l'individu à l'âge où il est encore maléable, pour en faire un "citoyen" à son sens, cosommateur de propagande et bête à bouffer et élire le centre, dans la peur de la perte des petits "acquis". Et l'Auteur dénonce la déshumanisation, la violence morale de l'institution, qui déborde hélas déjà en violence physique, l'acceptation sociale de cette réalité, et pire ! le fait que tous les parents, chasue matin, réveillent leurs enfants pour les mener à l'abattoir ! Oui ! Une dénonciation non des derives futures, mais du présent dans toute son abjection.

Monsieur Alexis, je vous assure que je suis confuse d'avoir écrit ce que j'ai écrit, sachant que vous êtes de la branche, et me doutant un peu que vous désapprouverez un peu, mais Monsieur de la Dédémode m'exaspère et je m'applique à le lui rendre. J'espère que j'en aurai fait assez pour ce matin.

Anna, splendide, je vous approuve de A à Z. Non mais !
avatar
Voilà qui est envoyé et bien envoyé, bravo Salima !  cheers

Non mais ! (Bis)
DédéModé
Je vous laisse à votre délire, Patronne... Et allez vite retirer vos filles de l'école, ne serait-ce que pour mettre vos actions en conformité avec vos paroles.

Le totalitarisme a-t-il jamais totalement triomphé, Anna ?
N'avez-vous jamais lu cette autre Hannah ?...

Pour Arendt, le totalitarisme est avant tout un mouvement, une dynamique de destruction de la réalité et des structures sociales, plus qu’un régime fixe. Un mouvement totalitaire est « international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques ». Le régime totalitaire, selon Arendt, trouverait sa fin s’il se bornait à un territoire précis, ou adoptait une hiérarchie, comme dans un régime autoritaire classique : il recherche la domination totale, sans limites. (Source : Wikipédia)
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Hannah Arendt a exprimé son opinion sur le sujet, pour autant ce n'est pas elle qui a écrit l'Histoire. (Je vous rappelle qu'elle est mort il y a 50 ans).
DédéModé
Et votre réponse à la première question ?
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Non, il n'a jamais "totalement" triomphé (à part dans les esprits de certains). Si c'était le cas, peut-être que nous ne serions pas ici pour en discourir ;)
DédéModé
Voilà, et le temps du récit est le futur...

Garcia Alexis aime ce message

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Rien ne vous interdit de le voir comme un texte prophétique :-)
DédéModé
« je ne sais pas où vous avez voulu en venir » avez-vous écrit à l'Auteur.
Moi, je voulais juste éclairer votre lanterne.
Quant au texte, il est d'anticipation ; l'avenir nous dira s'il est prophétique.
Salima Salam
D'ailleurs, j'ai oublié de souligner, très classe ce futur, bien employé, bien intégré, vraiment classe. Donne une note très particulière. Alors je dirais même qu'il y a une note d'expérimentation typologique.

Garcia Alexis aime ce message

DédéModé
Monsieur Garcia,
Vous considérez donc le Surréalisme comme forme plus achevée de « littérature d'art » que le Symbolisme ou le Parnasse ; je serais assez curieux de connaître votre argumentation à ce sujet, et sur un tout autre de lire ici vos Lettres d'un jeune soldat russe, à votre convenance...

Garcia Alexis aime ce message

Garcia Alexis
Monsieur DédéModé,
Petit argument rapide : Plus l'artiste s'éloigne des réels plus il est créateur et concurrence le Premier Créateur. A un moment donné, cela devient une transgression qui fait de la gare de Perpignan le centre du monde. Les Parnassiens ne s'opposent qu'aux romantiques. Leur art, magnifique par ailleurs, n'est pas transgressif. Ce serait plutôt une Restauration. Les symbolistes sont évidemment les grands frères des surréalistes. Je n'y vois qu'une différence de degré. Ils sont aussi dépravés (ce qui n'est pas une considération morale) mais moins fous (ce qui n'est pas médical).

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
C'est très intéressant. À mes yeux, votre idée de "concurrencer le Premier Créateur" ne tient pas, parce que je n'ai pas la même conception que vous de la divinité. L'acte de création du Créateur dote la créature de certaines capacités, qu'elle exerce dans la limite d'un cadre qu'elle ne peut franchir qu'avec la permission du Créateur, qui ne serait pas omnipotent s'Il perdait le contrôle sur les petits bonhommes. Question de logique. 

Je parlerais plutôt de repousser des limites humaines.

Le Parnasse, vous expliquez ça bien je trouve, et je l'aime encore plus après votre explication.
Garcia Alexis
Salima Salam,

On peut penser que le Créateur, s'il est, est Tout-Puissant puisqu'il crée tout. Mais s'il est si puissant qu'a-t-il besoin de créer ? On peut donc tout aussi bien penser le contraire. Ou encore accepter l'idée saugrenue qu'Il est à la fois omnipotent et défaillant (ce que matérialise le personnage du Diable), un peu comme dans la physique quantique deux états contraires sont vrais en même temps, l'histoire du chat mort et pas mort !  

Bonne nuit ! Je vais lire quelques pages des Misérables, un peu comme une Bible mieux écrite cependant, Hugo se prend pour un dieu.
Salima Salam
L'homme peut penser ce qu'il veut, et il ne s'en prive pas, mais il ne peut pas prétendre alors à la logique. 
La Bible, dans sa version actuelle, est en effet écrite par les hommes.
Si dans votre lecture vous tombez sur ce passage, où Hugo dit que si l'on a pas critiqué l'homme au sommet de sa grandeur il faut se taire lors de sa chute, et puis cet autre passage où il est question de vieilles qui jettent des pots de fleur à la tête des soldats comme signe de révolution imminente, vous voudriez bien me donner la référence ? J'en avais besoin l'autre jour pour étayer une petite argumentation boiteuse, et impossible de les retrouver.
Garcia Alexis
Salima Salam,

Le haut personnage est Napoléon. Le passage évoqué se trouve dans le livre Le juste, chapitre 11 : Une restriction. Pour le reste, on verra plus tard. Je remarque que de nos jours nous faisons le contraire en France : nous démolissons les présidents en fonction, nous regrettons les anciens. Mais peut-être n'étaient-ils pas si puissants.

Salima Salam aime ce message

DédéModé
La transgression est donc selon vous un critère majeur de l'Art, devant la Beauté.
Je le trouve quant à moi très subjectif.
Garcia Alexis
Si je rencontre les Demoiselles d'Avignon en Avignon, je pars en courant. En revanche, sur la toile, je m'attarde. Je suis saisi par la profondeur de cette représentation fracturée. La beauté naturelle n'est que surface, la beauté dans l'art est profondeur, et plus il est transgressif plus il est profondeur. Je n'oppose pas les formes d'art, elles sont toutes sur le chemin d'une révélation.
DédéModé
Je vous entends bien, Monsieur, mais aussi que d'autres souhaitent en rester aux canons classiques, dont la poursuite, selon eux, est le meilleur moyen de parvenir à la forme la plus aboutie de l'Art, dans une représentation idéalisée de la Nature ou du Sacré.
Pour ma part, je ne comprends pas grand-chose au Surréalisme ; il faut dire que, comme à la musique classique, par exemple, je n'y ai pas été initié.
Mais dites-moi encore : considérez-vous que ce texte s'inscrit dans le mouvement ? ou qu'il en est dérivé ?
Auquel cas ce serait bien la première fois que j'y trouve un accès direct !

Garcia Alexis aime ce message

Garcia Alexis
Votre question, Dédémodé, me pousse dans mes retranchements. C'est pénible, et c'est tant mieux. Je n'aime pas l'idée de m'enfermer dans une école. Toute la littérature est passionnante. Tout écrit est méritoire. Enfant, je lisais les textes curieusement agencés des boîtes d'emballage. Je dévorais les notices médicales. Il faut dire que j'avais un accès limité aux livres. Aujourd'hui, je n'écris pas en pensant à un manifeste quelconque. Cependant le premier mouvement, les premières lignes sont souvent automatiques, comme si un autre moi prenait le contrôle. Mais très vite ma raison entre discussion avec ce "moi" créatif qui accepte ce mors sans renoncer totalement à son être rétif. Ainsi l'image du "ventre-baleine" de la fin du texte lui appartient, et je la crois surréaliste car issue de mon monde fantasmé. En même temps, elle fait echo au livre de Jonas évoqué plus haut. Elle suggère une toujours possible renaissance, y compris dans l'horreur des dictatures. Là, c'est la raison qui compose.
avatar
"comme si le soleil était descendu..."
"comme on stabilise les navires..."
"comme s'ils étaient un corps, comme s'ils étaient parfumés..."
"comme on prend une ultime bouffée..."
"comme un i et comme un juge..."
"comme un café américain d'antan..."
"comme on quitte son pays..."
"comme la fleur des révolutions..."
"comme des bruits de bottes molles..."

Comme quoi faire de la littérature d'art n'empêche pas d'avoir son tic d'écriture.
Le même, soit dit en passant, qui m'avait agacé à la lecture du "Bubu de Montparnasse" de Charles-Louis Philippe
et d'"Antoine Bloyé", de Paul Nizan. Je finissais par les comptabiliser, les "comme ceci" et les "comme cela".
J'avais attrapé le tic du traqueur de tics !

Comme, comme, comme, comme... tic, tic, tic, tic....🎶
Je taquine, hein ?
Garcia Alexis
Et connaissez-vous : "Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie" ? Difficile de se passer de la comparaison. La métaphore seule est vite difficile à pénétrer, ou terriblement banale. Je la réserve pour des textes résolument poétiques où "comme" encombre, où on s'allège dans le franchissement d'un miroir, quitte à faire disparaître immédiatement le monde d'appui, de plain-pied dans la métaphore, encore plus mystérieuse in absentia, dans l'or d'un soir inversé.
DédéModé
Beaudelaire lui-même en était pourtant peu avare, du « comme ».
Je crois que, grâce à vous, Monsieur Garcia, je commence à mieux appréhender le Surréalisme, mais il me reste le plus gros du chemin à parcourir... Y parviendrai-je un jour ?
Quant à vos Lettres d'un jeune soldat russe, je doute qu'elles aient beaucoup à voir avec lui...
À moins que... N'a-t-il pas jailli de la boue des tranchées ?
Montrez-les-nous donc, Monsieur, je vous prie !
avatar
J'aime bien ce texte et cette vision futuriste de L’Éducation Nationale... Il me semble avoir relevé une coquille, une répétition et quelques erreurs de ponctuation... Mais qui n'en fait pas ; n'est ce pas !



Garcia Alexis aime ce message

Garcia Alexis
Bonjour Blackmamba Delabas,
Les répétitions sont ou des maladresses ou des figures d'insistance, ou le simple retour linguistique de notre langue, moins fréquent en espagnol par exemple du fait de l'absence de pronoms personnels sujets. Pouvez-vous m'indiquer les erreurs de ponctuation ?
Merci pour votre lecture.
Salima Salam
Bonsoir, Monsieur Garcia,
Je viens de lire les dix premières lettres d'un jeune soldat russe.
Avant d'oublier, je vous mets en vitesse ce que j'ai relevé : 
Lettre 1 et 7, une coquille d'accord.
Deux autres choses : réel ou irreel, j'ai accroché à la lecture, j'aurais conseillé réel ou non. Et puis dans la lettre à Dieu, une répétition de "mais".

Je manque un peu de temps pour lire, voilà pourquoi je me suis arrêtée à dix. Mais si je vais plus loin, jf vous en ferai rapport. J'ai lu d'une lecture "découverte", sans m'attacher à analyser, et je vous livre mes impressions.

Le début, très poétique, innocent, fleuri, m'a un peu irritée de prime abord, puisqu'il me semblait exagéré et être le fait d'un rêveur oisif et pas d'un soldat. 

Puis il y a une tension, latente, qui trouble la béatitude et qui m'a accrochée. 

Puis l'ouverture des combats. C'est terrible, je voudrais que ce soit une fiction, n'est-ce pas, la lettre de ce jour explose de destruction, le langage devient un autre, l'homme aussi, le monde aussi. 

Là, la tonalité des lettres du début a pris son sens. Je l'ai trouvée très juste, réaliste, nécessaire. 

De façon générale, j'ai été surprise pas la richesse du contenu, quand je m'attendais presque à un peu d'ennui à la lecture d'une correspondance déprimante. 
Je trouve votre style très fluide tout au long de ces lettres, très esthétique parce que les mots coulent comme de soi. L'esprit des Lettres est très différent de Le quart d'heure de torture, sobre et grave naturellement, concentré, sans escapades stylistiques, sans fioritures, je pense aussi sans "excès" de forme pour mieux faire ressortir l'excès de la situation.
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