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NOUVELLE : Les Alignés

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15102021
NOUVELLE : Les Alignés

Les Alignés


C'était dans un quartier joliment bourgeois, trottoirs proprets, parcmètres gentiment alignés, du bbr dans les devantures. Rien contre la propreté, mais peut-être quelque chose contre l'individu trop poli, la société policée et l'état policier. J'avais un billet à acheter pour un déplacement en prévision. Je me rends donc à la gare, à la section accueillante appelée "espace d'accueil pour les voyageurs". Je fais le tour des bornes électroniques, qui ne renseignent pas sur l'international qui m'intéressait, et me résigne à m'aligner pour un guichet. 

Pour arriver au guichet, faut passer par une borne quand même. Je vais à la borne du milieu, LA borne, la plus design de toutes, épurée dans la forme, qui me tend poliment un petit ticket avec un numéro quatre chiffres. Un coup d'œil sur la queue de trente personnes, poliment assises en rang, un autre sur les huit guichets, dont cinq fermés, je vais m'acheter le plus gros bouquin que je trouve au Relay de la galerie et je m'assieds poliment. 

Je suis soudain tirée de ma lecture par un soubresaut de vie dans cette atmosphère aseptico-léthargique. Deux femmes qui parlent, entendez bien ! Elles parlent et rient et ne chuchotent pas ! Deux femmes venues avec le soleil d'outre Méditerranée entrent dans cet espace accueillant et se font étiquetto-numéroter par l'élégante borne du centre-pièce. 

Mais après trente minutes de bavardages chantants, qui paraissent le double au nez pincé à caniche blanc assis à côté d'elles, l'attente leur semble exagérée, elles se relèvent et quittent nos rangs.

Je repique somnolente et polie dans mon livre, quand une nouvelle perturbation me fait lever la tête, sournoise celle-ci, calculatrice, intéressée. Ah bin oui, c'est qu'avant de partir, les deux bavardes n'ont pas jeté décemment leurs tickets dans la poubelle-hygiénique-à-clapet-anti-retour-et-vue-panoramique-sur-détritus-dans-un-cadre-pirato-vigilant, mais elles les ont glissés dans une fente de La Borne Centrale. Offerts au tout-venant les tickets ! et voilà quelques-uns des prétendants au voyage quittant les rangs pour comparer les numéros de leurs tickets, les troquer contre le leur, leur ticket qui à son tour se fait palper...  

Il ne faut pas négliger l'attrait de la place grappillée, surtout par le biais du ticket officiel, voie royale ! Oui, les deux bavardes avaient causé un certain buzz, qui d'ailleurs ne touchait que les moins de trente minutes, évidemment, c'est-à-dire tous ceux arrivés après elles. Moi j'avoue cash, si j'avais été une moins de trente minutes, sans hésitation ni fausse pudeur j'aurais mis la main au ticket. Chez les petits récents, ça grommèle et ça s'indigne. On se tourne vers le voisin qu'on a fermement ignoré depuis une demi-heure, pour cracher un peu de fiel sur la cause et la conséquence. 

Je ferme mon livre. Cette débauche des bonnes mœurs est bien plus passionnante et me donne une envie de pop-corn. Nous autres, les plus de 30 minutes, on était même quelques plus de 90 minutes, nous sourions amusés, sereins, bienveillants. 

Enfin un employé avisé vient jeter les tickets en libre circulation dans la poubelle réservée à cet usage, fin du spectacle, basta.

Le temps passe, je suis devenue une plus de 120 minutes, je regarde mon ticket. Plus que deux numéros avant moi. 

Vous savez, ces films d'action où le héros sans se retourner s'éloigne à grands pas en slow motion après avoir balancé par-dessus son épaule hmmm, grenade, cocktail Molotov, Zippo sur mare d'essence... Et les flammes apocalyptiques qui s'élèvent instantanément jusqu'à roussir les nuages...

À la réflexion, qui je vous l'accorde vient tardivement, pas envie de risquer de retrouver des tronches similaires dans le train, question de rentabilité aussi, je préfère le covoiturage, et puis comme une envie d'assainir l'ambiance. Purifier par le feu, comme on dit. Je me lève et lance un retentissant : "Tchao la compagnie ! J'ai le no 7 942, qui veut ?" Je glisse mon ticket dans la fente pernicieuse et avant que j'aie atteint la porte de sortie, les pans de mes vêtements ondulant en slow motion, dix personnes sont déjà à l'élégante Borne centrale, comme des harpies becs et ongles sortis.


Dernière édition par Salima Salam le Ven 30 Sep - 16:58, édité 3 fois

Thierry Lazert et Norsk aiment ce message

Commentaires

Thierry Lazert
Eh oui, aseptiser les devantures ou décrasser l'intérieur, il faut choisir (je ne me défends de mes "propres" petites lâchetés)
Belle invitation à la méditation, votre texte.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Merci pour votre lecture, cher Trazz.
Thierry Lazert
Correction de mon com' : je ne me défends PAS de mes propres petites lâchetés
Salima Salam
Corrigez, corrigez, et dites-moi je vous prie ce que vous voulez dire par là. Et ce que la négation change au sens.
Thierry Lazert
En relisant mon com', je me suis aperçu que j'avais écrit "je ne me défends de mes propres petites lâchetés", et qu'il y avait donc là une négation incomplète qui laissait la place au doute : a-t-il voulu écrire "je me défends etc. " en y glissant un "ne" involontaire, une coquille, ou bien a-t-il voulu écrire "je ne me défends pas" en oubliant le "pas" (ou en l'omettant pour faire un peu "précieux") ? J'avais oublié le "pas".
J'ai donc seulement voulu lever le doute.
Faut-il vraiment que je vous dise ce que je voulais dire ? Ceci : il m'est arrivé de me comporter comme une âme pas belle qui passe son chemin, vos nez-pincé à caniche blanc et autres m'y ont fait penser.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Oui, il fallait, c'était justement ça qui m'intéressait. Je comprends bien ce que vous voulez dire, mais je ne comprends pas comment vous le dites.
J'ai cherché dans le cnrtl, et je ne trouve pas d'usage de "se défendre" tel que vous le faites. Alors je me demande si vous écriviez à la place "je me défends de mes..." ce que ça changerait. 

https://www.cnrtl.fr/definition/D%C3%A9fendre

Des histoires de mouches, comme dirait Caco. Mais quand même, ça me travaille.

Thierry Lazert aime ce message



Dernière édition par Salima Salam le Mer 20 Avr - 4:00, édité 1 fois
Thierry Lazert
Mon "se défendre de" apparait bien dans l'article du CNRTL :

II.- Emploi pronominal
A.
3. Récuser une allégation
a) Nier ce dont on peut être accusé
Le bonhomme est aveugle et se défend de l'être. Il se défendit d'avoir parlé d'une façon si impertinente.


On le retrouve aussi dans le Robert :

III Se défendre   v. pron. 
2
Littér. Refuser d'admettre > nier
Il se défend d'être raciste. Je ne m'en défends pas.


Je dois bien reconnaitre que tous les exemples cités par le CNRTL et le Robert ont pour complément un verbe (infinitif) mais je reste à peu près convaincu qu'un nom à la place d'un verbe n'est pas fautif. Je suppose qu'un petit tour sur le Grevisse me donnera clairement tort ou raison mais je ne l'ai pas...

Ah, j'allais oublier : si j'écrivais "je me défends de toute lâcheté", ça voudrait juste dire le contraire, à savoir : je n'accepte pas qu'on m'accuse de lâcheté.


Et puis, oui, les histoires de mouches, ben ça peut travailler au point de devenir fondamental :))

Tout ça pour dire qu'on peut aimer un texte même si on s'y retrouve un peu dans des personnages pas brillants. Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait rien à méditer, après tout.

Salima Salam aime ce message

avatar
Salut Safia !
C'est quoi "du bbr" ?
Ah qu'il est joli le monde bien agencé du "moins d'humains pour l'humain"... Ca rend dingue parfois...
Beaucoup de répétitions dans ce texte et je pense que c'est voulu de ta part (poli, accueillant) mais je trouve que ça ne fonctionne pas comme la répétition volontaire d'une phrase entière par exemple. Par contre, j'aime beaucoup la fin western ! :-)


Dernière édition par Norsk le Jeu 21 Avr - 12:40, édité 1 fois
Salima Salam
Oups ! Norsk, pardon pour le retard...
Bbr : bleu blanc rouge
Byb : blond yeux bleus
Bf : bon français
Ce sont des sigles qui ont été employés dans les agences de recrutement pour ficher les candidats et livrer le produit désiré, made in france. 

Pour les répétitions, je te crois sans même vérifier, faut que je fasse une croix dessus, c'est vraiment une fainéantise intellectuelle de ma part. 
Quand même, je vais vérifier ça tout de suite, histoire de lire avec tes yeux. Merci !

Ok, relu, je compte réécrire ça, mais pas cette nuit.


Dernière édition par Salima Salam le Ven 6 Mai - 22:23, édité 1 fois
avatar
Salima Salam a écrit:
Oups ! Norsk, pardon pour le retard...
Bbr : bleu blanc rouge
Byb : blond yeux bleus
Bf : bon français
Ce sont des sigles qui ont été employés dans les agences de recrutement pour ficher les candidats et livrer le produit désiré, made in france. 

C'est déprimant...

Salima Salam aime ce message

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