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NOUVELLE : La Mouclade

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02082021
NOUVELLE : La Mouclade

Dédicace
À Monsieur Dédé, l'histoire promise de l'âne tombé dans le marais, et puis j'y ai ajouté quelques éléments de votre univers symbolique, comme moules, rosace, défécation, le tout joliment épuré et aseptisé. Abordable même pour les moins de 14 ans.

La Mouclade


C'était une belle journée comme tant d'autres, mais celle-ci m'est restée gravée dans le souvenir. On avait de la visite pour quelques jours, un ami d'un ami d'une connaissance de mes parents, ou quelque chose comme ça. Michel, il s'appelait, et sa fille Émilie. Émilie avait quelques années de moins que moi, différence qu'elle compensait par une assurance admirable. Petite fanfaronne, elle me contait les extraordinaires luttes aux échecs entre elle et son père et du coup j'étais restée un peu sur ma faim quand je l'y avais battue à plate couture.
Toujours est-il que pour faire honneur à nos invités, ma mère avait décidé de faire une mouclade au dîner. Pour ça on avait le support, il nous fallait le combustible. Nos pères nous ont laissées, Émilie et moi, grimper à l'arrière de la vieille rodéo rouge ; le berger allemand nous a rejoints d'un bond dans la benne décapotée.
Nous avons donc rempli un gros sac en toile de jute avec épines et pommes de pin. Voilà pour le combustible.
À la maison, Jean-Yves attendait, faisant les cent pas, même les deux ou trois cents pas. Très émotionné. Jean-Yves était un voisin, pas tout proche voisin, mais dans un village personne n'est trop éloigné, un voisin donc de l'autre bout du village. Il était en temps normal l'heureux propriétaire d'un âne, d'un croix Saint-André gris clair avec cette distinctive ligne noire sur l'échine croisée à la perpendiculaire par une autre ligne noire qui souligne les épaules. Mais en cet instant il était profondément abattu, son âne venait de tomber dans un des fossés bordant le marais salant où il paissait habituellement et on n'en voyait plus que la tête. Mon père et Michel sont partis ensemble soutenir le pauvre âne et son pauvre maître dans cette situation délicate. En mettant la main à la pâte. Je me demandais comment on avait réussi à diagnostiquer cette cause pour la mort de tous ces ânes qui plongeaient dans les marais ni trop profondément ni pas assez, et pour changer le sujet j'ai demandé comment se portait Jean-Yves pendant le sauvetage. "Aucune idée" a répondu mon père. Jean-Yves les avait déposés à l'entrée du petit chemin de terre menant au marais salant, et les jambes molles et tremblantes s'était assis sur une grosse pierre, puis traîné jusqu'au café des sports. Il en était ressorti en même temps que l'âne du fossé et les deux s'étaient plus ou moins jetés au cou l'un de l'autre, l'un brayant, l'autre sanglotant, les deux tout vaseux. Bon, je répète la version de mon père, mais il a tendance à exagérer alors je ne sais pas quelle est la part des choses.
Donc il était l'heure de préparer notre mouclade. On a sorti l'épaisse planche carrée, 50 x 50 cm, avec ses trois clous au centre, enfoncés juste un peu dans le bois, assez pour tenir solidement et pas trop pour se dresser encore. Dresser, justement il fallait dresser les moules à présent, debout appuyées les premières contre les clous, les suivantes contre les premières, bien serrées les unes contre les autres, l'ouverture vers le bas. Ce dernier détail est très important, on peut faire d'ailleurs l'erreur une fois et cette fois-là suffira à faire entrer la leçon dans le crâne du gourmet. On recouvre ensuite la rosace de moules d'une épaisse couche d'épines et d'une pile de pommes de pin, et on enflamme le tout. Pas besoin d'artifice pour y mettre le feu, la résine du pin prend à la première étincelle.
Quoi de plus réjouissant que cette lueur vive et odorante dans l'obscurité maintenant environnante. Nous les enfants on a été réquisitionnées pour mettre vite la table sous les chênes, sans omettre ces grosses bougies de jardin à la citronnelle qui éloignent les moustiques et les hannetons.
Assez rapidement la chaleur a fait ouvrir les coquillages, et à ce moment l'étourdi qui les aura placés à l'envers verra son repas se garnir copieusement de braises et de cendres, tandis que chez l'autre l'eau des fruits de mer s'écoulera vers le bas et la cuisson sera à point. Ce soir-là la cuisson a été à point.
Et pendant que nos yeux d'enfants se fermaient petit à petit, les adultes parlaient de ces choses qui tour à tour avivaient ou émoussaient notre curiosité. J'ai porté tout ce temps le souvenir d'un récit de Michel. Le voici.
Il était en train de bêcher dans son jardin. À l'instant et l'endroit où il allait abattre à nouveau son outil, il a vu une mante religieuse. Il aurait pu, comme il l'a dit, il aurait dû détourner sa trajectoire. Il a eu ce temps infime de réflexion et cette liberté de décision. Mais il a achevé son geste. La nuit qui a suivi, il a rêvé d'une femme qui l'embrassait. Peu à peu la douceur se chargeait en douleur jusqu'à soudainement l'éveiller. Hagard comme après les cauchemars il a regardé autour de lui. Et sur le bord de la fenêtre entrouverte, une mante religieuse le regardait. Et son reflet dans le miroir lui montrait deux gouttes de sang sur ses lèvres.
C'était le rêve, qui a jeté les adultes dans de longues considérations plus vaseuses que le Croix Saint-André, et moi, encore dans l'enfance innocente, je me demandais pourquoi personne ne qualifiait d'absurde ces rapprochements entre tendresse et violence.


Dernière édition par Salima Salam le Ven 30 Sep - 16:12, édité 2 fois

Blackmamba Delabas aime ce message

Commentaires

DédéModé
C'est un peu léger, Madame, et confus ! vous m'en excuserez.

Salima Salam aime ce message

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Je préfère de loin la Safia humoriste, celle qui se laisse aller, qui ne s'applique pas.
Salima Salam
Merci beaucoup pour ces retours. Ça me donne une idée, je crois que je vais tenter ma chance pour le Grand Prout (il est question de le renommer, honneur du déshonneur et tout le tralala). Cette fois ci, ça pourrait être la bonne. Ah, pardon, je voulais ne plus jamais, de toute ma vie, évoquer ce sujet. Velléité.

DédéModé aime ce message

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Safia Salam a écrit:
Merci beaucoup pour ces retours. Ça me donne une idée, je crois que je vais tenter ma chance pour le Grand Prout (il est question de le renommer, honneur du déshonneur et tout le tralala). Cette fois ci, ça pourrait être la bonne. Ah, pardon, je voulais ne plus jamais, de toute ma vie, évoquer ce sujet. Velléité.


C'est quoi le grand prout ? Je veux bien participer.
Salima Salam
Le Grand Prout, ça se passe ailleurs, mais chut... Pas un mot, j'essaie de ne plus en parler. Tu veux qu'on organise un Grand Prout ici même ? Nan... On fait pas ça, nous.
Thierry Lazert
La mouclade, donc.

Je vous ai prévenue, chère Safia, une critique méchante comme un ciel d’orage d’été.

La ponctuation, pour commencer. Pour être honnête, je ne trouve dans votre mouclade aucun problème de ponctuation. En revanche, la virgulation, alors là ! excusez-moi, mais votre virgulation, han ! Il suffit de prendre n’importe quel exemple et paf. Oui, je n’accuse pas comme ça, en l’air. J’étaie. J’illustre. Et là, au premier exemple venu, le glas tombe. Ah, beh oui, je vous ai prévenue, une critique en bon uniforme, un ciel d’orage.

Poursuivons. Vers la substantifique moelle - comme aurait dit mon grand-oncle Francis du haut de sa petite silhouette râblée.

Vous tendez, avec cette histoire de petite fanfaronne qui se vante de toujours battre son père aux échecs, créant ainsi toutes les conditions pour que la narratrice ne puisse qu’être déçue de la battre elle-même aux susdits échecs (et ça ne rate pas : elle est déçue), un piège au lecteur. Parce que ce genre d’anecdote, ça ne s’invente pas. D’où ce que le lecteur se dit « Ah, vraiment, ce genre d’anecdote, ça ne s’invente pas ! ». Et il se met à douter. Réalité ? Fiction ? C’est le piège, le lecteur n’en sortira pas. Enfin, les autres, je ne sais pas, mais moi il me faut de quoi me sentir les deux pieds bien par terre, c’est de la réalité ou de la fiction, faut savoir, hein. Votre texte fourmille de ces passages qui laissent planer le doute, alors pensez donc.

Et dites-moi, les deux gouttes de sang sur les lèvres dans le reflet sur le miroir, c’est vrai ? Pas très clair, tout ça…

Je vous épargne une analyse plus poussée qui vous serait cruelle, et vous remercie de m’avoir rappelé une fameuse mouclade - moules dans le bon sens - doublée d’une chorale de cigales inoubliable.

Bonne soirée !

Salima Salam aime ce message

Thierry Lazert
Je sais pas d’où me vient cet indécrottable attachement à l’humour potache. Navré pour celles et ceux qui ne supportent pas.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Navré ? Vous pouvez bien l'être ! Je ne comprends rien au problème maintenant.
Avec les deux autres commentaires, pas du tout étayés soit dit en passant, ce qui ne correspond pas du tout aux standards que nous nous sommes fixés sur le Bastringue, mais bon je passe l'éponge parce que je suis magnanime, je savais que mon texte est nul.
Mais vous... avec votre comm' qui est très étayé mais je ne sais pas ce que ni sur quoi vous étayez, je ne sais pas ce que je dois penser.

La virgulation vous importune ? La vilaine, j'irai me pencher dessus, voir s'il y a quelque chose à voir. Et le truc de la réalité ou la fiction ? L'est où le problème ? Dites-moi donc ce que vous préférez comme réponse, c'est celle-là que je vous donnerai pour vous faire plaisir et vous encourager à commenter mes textes, parce que je laïk quand vous étayez les nuages avec des colonnes de brumes et de la poussière d'étoiles.

Mais pardon, je vous quitte, je me suis engagée dans une chose qui m'absorbe terriblement et m'eloigne un peu du Bastringue pour les jours à venir.

Bonne nuit donc !

Thierry Lazert aime ce message

Salima Salam
Faux départ, je reviens direct revirguler correctement.

Avant :

C'était une belle journée comme tant d'autres, mais celle-ci m'est restée gravée dans le souvenir.

Après :

C'était une belle journée, comme tant d'autres, mais celle-ci m'est restée gravée dans le souvenir.

Non mais je peux pas faire mieux. Ou je peux ? Montrez-moi, je vous prie. Ah, mais vous n'aimez pas être prié... Montrez-moi, vous dis-je sur un ton péremptoire, cinglant mais pas cinglé et catégorique.

avatar
J'aime bien ce texte qui me rappelle un documentaire, vu il y a bien longtemps sur cette technique de cuisson des moules de bouchot. Vous m'avez mis en appétit...
Vous avez pris quelques libertés avec la ponctuation notamment avec les virgules. Oubli ou placées au mauvais endroit. En lisant, je me demandais même si ce n'était pas consciemment...
J'ai relevé une erreur de construction dans la phrase :
- Mon père et Michel sont partis ensemble soutenir le pauvre âne et son pauvre maître dans cette situation délicate. En mettant la main à la pâte.

Pour le reste, la conclusion est peut-être malvenue... Je pense qu'elle avait t sa place dans le corps du texte, en développant...
Ici, la césure est trop brutale.

Salima Salam aime ce message

Thierry Lazert
C'est ça, faites-vous absorber et revenez quand vous pourrez.

"C'était une belle journée comme tant d'autres, mais celle-ci m'est restée gravée dans le souvenir." : ah oui mais si vous prenez des exemples où tout va, ça va pas. Parce que du coup c'est votre corrigé qui est fautif :

"C'était une belle journée, comme tant d'autres, mais celle-ci m'est restée gravée dans le souvenir.", il y a une prise d'air en trop, même pour moi qui ai tendance à asthmater. Et je suis en train de me demander si je réponds à votre prière ou à votre injonction...

Sinon, j'ai beaucoup aimé votre photo de moi étayant les nuages avec des colonnes de brumes et de la poussière d'étoiles : on y voit à peine mon embonpoint, merci.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
@ monsieur Delabas,

Merci beaucoup pour cette admirable critique, variée, étayée, bien formulée.

Et moi, les moules me rappellent un ttc excellent que j'ai lu il y a peu, il y avait une histoire de symphonie aussi.

Je ne vais pas répliquer à vos reproches de fausse virgulation, sauf pour vous dire que vous avez raison. (Vous savez, j'avais mis un peu de mauvaise foi en répondant à Trazz, mais il l'avait mérité.)

La conclusion... à voir. Vous savez, vous avez si bien critiqué que j'ai un peu envie de retravailler le texte.

Bonne soirée !

Thierry Lazert et Blackmamba Delabas aiment ce message

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