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Rimbaud, une biographie approximative

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31012024
Rimbaud, une biographie approximative

Arthur Rimbaud, dit Rimbaud, né là-bas en 1854, fut un enfant
prodige. À six ans, il écrivait des poèmes comme Victor Hugo,
et il aurait joué du piano comme Mozart, manque de bol, à la
maison, y'avait qu'une flûte à bec, celle de sa sœur aînée qui
lui flanquait une baffe quand il y touchait.
Sa scolarité fut extraordinaire, au point qu'on créa exprès pour
lui la place d'avant-premier de la classe et le triple prix de génie,
d'honneur et de surexcellence. En sport, il brillait tout autant,
surtout à la course, et si les Jeux Olympiques modernes avaient
existé, il aurait été, n'en doutons pas, un Usain Bolt avant l'heure.
Arthur Rimbaud idolâtrait Paul Verlaine, poète admirable et
Champion de France des buveurs d'absinthe, titre qu'il avait
conquis en battant Milo de Montreuil par k.o. éthylique au dou-
zième verre. Arthur lui écrivit ces mots : "...Vous êtes The Best,
The Greatest, la plume de velours et le foie d'acier. J'aimerais
tant vous connaître ! Je m'emmerde chez les blaireaux. Ma da-
ronne est une peau de vache qui a fait fuir son militaire de mari
et qui nous élève à la cravache, mes frangines et moi. Y'en a
marre. Je veux me tirer d'ici..." Verlaine, ému, lui répondit :
"J'aime la jeunesse. Arrive, ma gueule !"
Arthur fit son balluchon sans plus attendre et prit la route.
À la sortie du patelin, il aperçut le Père Duval, le cantonnier, qui
cuvait dans un fossé, et rima aussitôt "Le dormeur Duval" :

"C'est un trou de verdoche où roupille une loque..."

Quelques bornes plus loin, le petit Charles, un valet de ferme
idiot, lui colla aux basques en chantant :

"Emmenez-moi au bout de la terre,
Emmenez-moi au pays des merveilles.
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil..."

Arthur l'envoya dans le décor d'une mandale bien ajustée, et
continua son chemin en fredonnant :

"Ma bohème, ma bohème,
Ça voulait dire : me fais pas chier..."

Pressé d'arriver à Paname, il sauta dans un train de marchandises,
et les soubresauts du voyage lui inspirèrent "Le bateau ivre". Les
mystères de la création.
En débarquant Gare de l'Est, Rimbaud s'écria, un brin théâtral :
"À nous deux, Paris !" Et derrière lui, une voix virile demanda :
"Hé, Rastignac, t'as tes papiers ?" C'était un flic. Un flic qui avait
lu Balzac. Un extraterrestre. Arthur fouilla ses poches : plus
de papelards. Perdus dans le wagon, sans doute. No problem.
Il piqua un sprint ahurissant qui laissa le poulet cloué sur place.
Quand il entra au Procope, le troquet préféré de Verlaine, celui-ci
était attablé au fond de la salle, devant une absinthe, évidemment.
"M'sieur Verlaine ? Bonjour. Je suis Arthur Rimbaud."
Et ce fut le coup de foudre réciproque.
Peu après, Verlaine plaquait sa bourgeoise et son moutard pour
vivre d'amour et d'alcool avec le nouvel élu de son coeur.

"Heureux qui comm' Paulo a pu larguer sa grosse
Pour s'en aller courir le monde à l'aventure
Et s'éclater un max dans des coins pas craignos,
Avec son Rimbiquet, son Bichou, son Thutur..."

(Joachim du Balto)

Et après les versions latines, Thutur passa aux inversions lutines.

Ils se rendirent à Londres, où Verlaine devint Champion d'Europe
des buveurs d'absinthe en battant Kid Picolo, qui s'écroula au
vingt-deuxième cul-sec. Comme ils fêtaient sa victoire dans un
pub, ils firent la connaissance d'Oscar "Born To be" Wilde, le dan-
dy poète, à qui Arthur glissa en douce : "J'aime beaucoup votre
jaquette qui flotte !" Le couple séjourna quelques semaines à
London, avant de mettre le cap sur la Belgique, où un nommé
Raoul de Groote, alias "L'Écluseur des Flandres", challenger of-
ficiel du nouveau Champion d'Europe, clamait à la cantonnade :
"Le Verlaine, il va voir qui c'est Raoul ! Après moi, il carburera
plus qu'à l'eau minérale. Je vais le dégoûter de l'alcool pour le
restant de ses jours !". Mais Verlaine lui montra qui c'était Paulo.
Il demanda l'absinthe au bock, et de Groote fut conduit à l'hosto
après la huitième chope.
Comme ils l'avaient fait en Angleterre, ils prirent du bon temps
chez les Belges, cueillant sur leur chemin des vers mythiques.
Mais un jour, dans une chambre d'hôtel à Bruxelles, ce fut le
drame. Arthur était sorti acheter des clopes et Verlaine faisait
du rangement, Rimbiquet était si bordélique. Or, dans une des
fringues de son chéri, Paulo trouva une lettre... signée Oscar.
Cette roulure de Wilde et son Thutur projetaient de se mettre
en ménage ! "Ah ! j'comprends pourquoi, lors du séjour à Lon-
dres, il mettait deux plombes à les trouver, ses gauldues ! Ils
se sont bien foutu d'ma gueule ! Quoi ? Il croit qu'il va m' laisser
tomber pour sa p'tite merde angliche ? C'est ce qu'on va voir !"
Quand Arthur revint, la scène fut terrible. "Oui, Paulo ! J'aime
"Born To be" ! Je savais pas comment te l'dire, mais voilà, toi
et moi, c'est fini." "Saloooope !!!" hurla Verlaine. Et dégainant
le colt 45 qu'un admirateur londonien, armurier de son état, lui
avait offert, il vida le chargeur en direction de Rimbaud, et le
manqua, criblant la lourde et le taulier qui se trouvait derrière,
venu leur demander de cesser leur boucan.
Verlaine alla croupir en cabane et Arthur fila chez les Rosbifs
retrouver Oscar. Mais ce dernier, jalouse comme un tigre, lui
rendit bientôt la vie impossible et, après une saison en enfer,
notre génie reprit la route. Elle le mena jusqu'en Afrique, où
durant des années il enchaîna les petits boulots qui ne paient
pas et les gros trafics qui rapportent. Et puis un jour, son goût
du sport et de l'aventure le conduisit à participer au premier
Rallye Dakar, une course de chameaux dans le désert. Comme
il se rendait à la ville de départ, il entendit chanter derrière lui :

"Ramenez-moi sur mon coin de terre,
Ramenez-moi au pays de ma vieille.
Comme un con, j'ai cru qu'la misère
Serait moins pénible au soleil..."

Le petit Charles ! Rimbaud le laissa pour mort, la tronche
dans le sable, et poursuivit sa route en entonnant :

"Ma bohème, ma bohème,
 Ça voulait dire : j't'avais prév'nu.
 Ma bohème, ma bohème
 N'a rien à foutre d'un p'tit locdu..."

Arthur était en tête du Rallye Dakar quand son chameau
s'emmêla les pinceaux et chuta sur son cavalier, lui pétant
une guibolle, laquelle, mal soignée, chopa la gangrène.
Alors, sentant sa fin toute proche, le poète voulut revoir
ses Ardennes comme d'autres leur Normandie, et revint
en France pour caner dans un plumard, tel un vioc, lui le
crapahuteur infatigable qui n'avait que trente-sept carats.
Le jour même, Verlaine, libéré pour bonne conduite, et au
terme d'un come-back unique dans les annales de la picole,
redevenait Champion d'Europe des buveurs d'absinthe en
battant Marcel Pochetron par abandon au quinzième verre,
à Maison-Lacuite.
Des années plus tard, quand on lui demanda d'évoquer son
ancien compagnon, il déclara, laconique : "Le Rimbaud, il
était pas à côté de ses pompes, il était derrière. Même que
je l'appelais "L'homme aux semelles devant ".


Dernière édition par Jihelka le Mer 31 Jan - 20:58, édité 6 fois

Salima Salam, Thierry Lazert, Ninn' A et Viktor Geté aiment ce message

Commentaires

Ninn' A
Ça m'a donné soif tout ça,  et le sourire !

Jihelka aime ce message

Jihelka
Verlaine contre Nénesse... On peut rêver...
Ninn' A
C'est une bête de course ton Nenesse

Jihelka aime ce message

Salima Salam
Ha ha ! Elle m'avait échappée, cette biographie ! Excellente ! Mine de rien, ils deviennent bien plus vivants et proches, comme ça, les Grands redevenus poussière.

Je dirais que c'est.... une caricature amicale ! C'est ça ?

Jihelka aime ce message

Jihelka
Ou une bio déjantée.

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
Biographie déjantée, donc. Très bien. Wikipedia peut remballer, cette biographie est un million de fois plus plaisante que les conventiels "relation passionnelle et orageuse" et similaires. 
Je maintiens qu'il y a de la caricature aussi, du moins il y a ça : pour écrire cette "déjante", il a fallu connaître la "jante", en extraire les traits qui permettent de reconnaître l'original, tout en y apportant des modifications qui donnent à l'ensemble son cachet littéraire et son genre humoristique. 
L'Auteur puise sans se gêner dans sa vaste culture générale ; les références, musicales surtout, fourmillent, comme des clins d'œil à chaque détour de phrase. 
La tonalité est drôle et légère, ce qui est une constante de l'Auteur, qui aime les mauvais sujets au grand cœur espiègle. 
La syntaxe est propre, le registre puise dans les expressions du familier et de l'argot. Ici, il n'y a pas de recherche poétique, d'effet de langue, d'innovation dans l'image. C'est ce qui fait toute la particularité de cette œuvre : on croirait lire, ou entendre parce qu'il y a des notes de langage parlé, un bon conteur au bistrot du coin, un de ceux qui captent l'auditoire quand ils sont en verve. 
La force, donc, vient de la perspective du narrateur, qui prend ses références littéraires, les manie avec la tendresse et le respect qu'on a pour ses jouets d'enfance, les sort des encyclopédies et anthologies pour les replacer dans le contexte de la vie, les met en scène à sa façon, et cette façon là, c'est toute la création littéraire de l'œuvre : une maîtrise de la langue, du sujet, des techniques de narration et une approche drôle, dédramatisée, décomplexée de la biographie de Rimbaud. 
Je me demande si cette œuvre n'est pas un exemple magistral de création littéraire : l'Auteur prend des éléments, connus de tous, archi-connus même, des icônes de la culture générale, et se les approprie dans une mise en scène qu'il est seul à pouvoir imaginer et écrire dans cette forme, puis les restitue au lecteur ébaubi, qui se sent soudain tout proche des grands, qui se sent grandi en quelque sorte, et voilà comment l'Auteur a attrapé son lecteur par les tripes.

Jihelka aime ce message

Jihelka
En 82, quand l'absinthe était interdite en France, ce qui n'est plus le cas, un copain en avait ramené d'Espagne. J'ai bu ça comme du Ricard.
Le lendemain, je devais remuer du béton avec des maçons portugais. Qui qu'était pas présent à l'appel ? Jihel.
Jihelka
J'admire votre aptitude à commenter une simple déconnade, à disserter dessus comme s'il s'agissait d'un texte sérieux.☺

Salima Salam aime ce message

Salima Salam
J'admire la vôtre à beaucoup de choses. Rien de plus sérieux que le Commentaire, mon cher Jihel', je pourrais vous commenter un distique en cinq pages, si vous me le demandiez.

Jihelka aime ce message

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