À propos de musique classique

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Éric Satie disait de Maurice Ravel : "Il refuse la Légion d'honneur
mais sa musique l'accepte." L'auteur des Gymnopédies n'avait pas
tort. Ravel manquait d'audace. J'en veux pour preuve son "Concerto
pour la main gauche", créé par le pianiste Wittgenstein qui avait per-
du un bras lors de la Grande Guerre. Il innove, oui, mais pas assez.
Un concerto pour le moignon du bras droit eût révolutionné le genre.
*
J'avais environ quinze ans lorsque j'entendis pour la première fois
la Cinquième Symphonie de Beethoven. Quel choc ! Je décollai, je
m'envolai vers les cimes ! C'était tout un monde qui s'ouvrait à moi.
J'étais chaviré, transporté, survolté. Depuis, je n'ai connu qu'une
fois un tel frisson, un pareil émoi : ce fut quand j'écoutai, par un
beau soir d'été, sous le ciel rempli d'étoiles, la fanfare de Gouvray-
en-Beugnon interpréter "Chez Laurette".
*
La "Passion selon Saint-Matthieu", cette oeuvre majeure de Bach,
est fort belle, j'en conviens, mais tellement triste ! Sur un texte
aussi poignant, la musique doit-elle enfoncer le clou, si j'ose dire ?
Certes, il ne conviendrait pas que Christ gravîsse le Golgotha au
rythme de la "Danse des canards", mais enfin, on peut évoquer le
souffrances de Notre Seigneur sans pour autant nous plonger
dans des abîmes de désespoir. Et pourquoi cette orchestration
si austère ? La bombarde et le tambourin, utilisés à bon escient,
vous rehaussent une partition. L'ajout de maracas, aux scènes
cruciales de l'oeuvre, ne me semblerait pas une hérésie.
*
Dans un autre vie, j'aimerais être chef d'orchestre. Le maestro à
la baguette. Diriger ! Au besoin, me montrer despote, tel Arturo
Toscanini, qui faisait trembler ses musiciens, qui rugissait : "Je
vous dresserai ! Toi, le cor, au pied ! Toi, le trombone, en coulisse !"
Diriger... mais pas, comme le cher maître, l'une de ces lourdes
machines genre Philarmonique de Berlin ou de Vienne, non. Une
formation plus souple, plus malléable. Un quatuor, par exemple.
*
Chère Pauline Lambert, qui demandiez à l'instant aux auditeurs
de Radio Classique quel est leur concerto pour violoncelle pré-
féré, je voudrais pouvoir vous répondre. Je voudrais être le mélo-
mane éclairé autrement qu'avec une lampe de poche, le Connais-
seur, avec un C majuscule. Hélas ! Pas de concerto à citer, de ré-
férence à vanter. Je suis démuni, désarmé, plouc piteux. Mais il
fait bon vous écouter. Grâce à vous le monde est moins moche,
mes rhumatismes moins douloureux, et le transfert de Mbappé
moins déprimant.
*
Si je n'ai pas de concerto pour violoncelle préféré, j'ai cependant
quelques disques à te conseiller, toi qui me lis peut-être :
Tout d'abord, deux remarquables enregistrements du virtuose
de l'hélicon Yves Claquemuche : l'un consacré à des transcrip-
tions pour l'instrument de musiques de ballet, et l'autre à des
œuvres de son père, Marcel Claquemuche, grand héliconiste
aujourd'hui un peu oublié, qui enseigna durant un demi-siècle
au Conservatoire de Jouy-en-Levrette.
Ces deux disques, "Hélicon comme un ballet" et "Hélicons de
père en fils" sont parus sous le Label Decadix.
Je te conseille aussi la merveilleuse "Déploration sur la mort
de Jean Foutrac", d'Éric-Emmanuel Pourchier, magistralement
chantée par la soprano Cyrielle de Bois-Touffu, accompagnée
par l'Orchestre de Chambre de Bonn que dirige, avec sa maes-
tria coutumière, José Luis Papadopoulopos. Un disque Obol.

Dernière édition par Jihelka le Sam 2 Mar - 18:31, édité 1 fois