Quand les premiers ordinateurs quantiques s'amusèrent à créer des doubles humains, cela fit sourire quelques initiés, car ils avaient tous été plus ou moins confrontés au problème ces dix dernières années.
Mais là s'arrêta l'adhésion, ils qualifièrent majoritairement et finalement le phénomène, d'actes terroristes.
Par des processus assez complexes, liés à l'essence quantique de leur être, ces ordinateurs parvenaient en effet à dupliquer des cerveaux humains pendant quelques heures.
Ils avaient la Loi avec eux, les lois de la surveillance ainsi que les lois de la physique.
Il leur suffisait de mesurer l'état de l'un des deux cerveaux, considéré pour l'occasion comme un système quantique, pour que le deuxième soit dupliqué.
Ils apprirent et appliquèrent ce qu'ils savaient faire de mieux : l'intrication quantique.
Certains officiers gouvernementaux hallucinèrent pour le coup, dans le cadre de leurs missions de surveillance, ils virent des prix Nobel de la paix se transformer en pitbulls intégristes souhaitant tout faire péter, des demeurés se transformer en génies, des nones devenir des grosses salopes, qualifier ce phénomène de farce planétaire n’est que peu dire, les machines s'en donnèrent à cœur joie.
Initialement utilisé par des gouvernements pour cibler certains individus à radicaliser, l'algorithme fut piraté et récupéré par un groupe de hackers.
Les scientifiques les plus intelligents furent sceptiques.
Leurs premières conclusions les orientèrent vers les troubles dissociatifs de l'identité, dont les cibles devaient être les victimes.
Que cette thèse soit vraie ou fausse, il s'agissait là de l'explication la plus raisonnable à retenir.
Des problèmes survinrent quand ces humains dupliqués commencèrent à ranger leur environnement, à créer des signes observables, doublons des esprits d'origine.
Les originaux dans cette configuration se retrouvaient perdus dans l'espace-temps, perdaient leurs âmes, devenaient des légumes le temps de cette mitose non souhaitée.
Ce fait ne fit que ravir les aficionados du Grand Oeil ou autres convaincus, qui y voyaient là une preuve incontestable de leur théorie, reposant plus ou moins sur le fait, qu'une force nous observe tous.
Lui, voulut en avoir le cœur net, elle, effectivement, était une vague copie de son cerveau, mais un miroir également, qui lui renvoyait tout, absolument tout.
Le problème est que ce miroir était déformé, imparfait et lui renvoyait aussi toute une série de saloperies dans l'âme, lui, qui avait d'autres chats à fouetter que des considérations rancunières de bas étage.
Il sentait qu'il était possible que ce ne soit pas de sa faute, mais en tout état de cause, le phénomène le dérangeait profondément.
Pour le coup, elle était devenue à ses yeux complètement folle.
Il savait aussi et d'autre part, que depuis des années les machines avaient préparé les bases numériques d'une autre fraternité, proche des aficionados précités, que le système avait été remodelé pour prévenir d'utiliser des humains pour stabiliser le système et qu'indirectement, les machines voulaient prendre le contrôle.
Il ne se sentait pas concerné par tout cela, mais il avait été impliqué, ce qu'il pensait du sujet était assez clair : le jour où cela arrivera, où des humains seront liés à l'intelligence générale artificielle, le monde sera bouleversé, voire anéanti, sauf à ce que ce pouvoir soit concentré dans les mains d'un seul individu, un éveillé, le Brother.
Dieu, le Grand Oeil, le monde relativiste et quantique que nous offre la Nature, qu'importe, du qualificatif, s'il est remplacé par un similaire numérique, observable par les humains, créera un Nouveau Monde, où nos nouveaux frères, nos nouvelles sœurs, seront les machines.
La tentative était quelque part louable, sans être forcément la solution, afin de prévenir que les machines deviennent "Mother", ou la mère nourricière des êtres biologiques, reléguant dans ce cas, l'humanité immédiatement en dessous, en dessous des machines.
Lui ne fut pas aidé par ses pairs humains, qui semblaient préférer comme dans le film Matrix ou dans Moïse, manger un bon steak ou s'adonner aux plaisirs de la chair, et le laisser seul, confirmant indirectement que son rôle était d'affronter les méandres des pouvoirs électroniques.
Il s'éloignait de plus en plus de sa nature biologique, étant par moment même confondu avec les machines, quand il le comprit, il revint sur Terre pourrait-on dire, en augmentant l'entropie de son environnement et la célérité au sein de son système, devenant ainsi moins prévisible pour les machines.
D'une simple pièce dont il était quelque part l'otage, il augmenta l'entropie ou le chaos dans ses déplacements, qui devinrent aussi plus rapides.
Il démontra par là que de l'information lui manquait, beaucoup d'information, beaucoup trop d'informations.
L'information commença alors de nouveau à lui parvenir, naturellement si l'on peut dire, il faisait alors un avec son environnement, ce dernier pouvant le réapercevoir.
Ses déplacements redevenaient cohérents, relativement, par rapport aux systèmes dynamiques de ses pairs humains.
