L’intellectualisation à tout va et à tout venant, allait bon train dans la société.
Même les intellectuels s’y perdaient, réduits à des observateurs dénués de pouvoir, ou à des otages utiles dont les propos pouvaient être détournés et utilisés. Ils étaient dépassés par les évènements.
La société effectivement allait mal, on se dirigeait vers la Guerre, mondiale, en raison également d’actions trop « responsables » issues de rationalisations trop importantes des sociétés, se faisant en réalité manipuler par des dictatures soucieuses de vouloir tout contrôler.
Les écrivains étaient les plus touchés, réduits à devoir choisir leurs thèmes avec beaucoup de précautions, sous peine de se voir infliger une quelconque stigmatisation médiatique préventive synonyme de censure, car cela n’arrangeait pas untel ou untel ou, car la liberté d’expression pouvait être dangereuse pour un Ordre établi mis à mal par des actions terroristes.
S’y opposer en raison du timing imposé devenait pour eux un non-sens, un paradoxe, ce qui réfrénait toutes les tentatives de libéralisation d’un système devenu trop sérieux.
Non, la populace n’avait nul besoin de rêver.
La propagande battait ainsi son plein jusqu’à des sujets plus que futiles, classifiant donc en avance de phase, avec une aisance et une décontraction déconcertante pour des démocraties, ses idées, ses élus.
La laïcité de son côté aussi était indirectement mise à mal pour mener à bien ces projets funestes dans une inversion attestant de l’incapacité des pouvoirs politiques à régler des problèmes plus profonds, on se dirigeait même et pour certains artistes, vers des formes invisibles de totalitarisme où l’État, ou plutôt ses négligences dans les missions qui lui étaient conférés, cautionnait ce qui était en cours, et malgré les quelques têtes coupées, signe déplorable d’un malaise à identifier.
L’arme ultime de la censure se basait ainsi et également sur les stigmatisations liées aux croyances, sujet mis sous surveillance stricte.
Est-ce que telle ou telle idée collectée par la surveillance numérique, exprimée, écrite dans des fictions non encore éditées, dans la science-fiction notamment, pouvait être gênante et en cas de succès populaire, s’inscrire dans la lutte antiterroriste ?
Oui ? Parfait !
Non ? No way.
La société et pour ces gens, avait besoin d’encore plus de sérieux, comme si tout le rabattage castrateur en cours ne suffisait pas.
La société dans son approche aux rêves, à l’imaginaire, se chinoisait, fière et impudente, convaincue du bien-fondé de son action, incapable de prendre un quelconque recul, sous le regard impassible de ceux en charge.
Seul le Cinéma semblait pouvoir y échapper, et en ce qui concerne la Science-Fiction notamment ou des polars à la Dexter, miraculeusement encore tolérés, sous couvert d’adoubements américains, les entertainement visuels à gros budget rentraient plus difficilement dans les stigmatisations idéologiques liées à l’écrit, terrain historique de débats d’idées.
Même les politiques adhéraient à cette néo-intellectualisation croissante, ils devenaient même des historiens narrant la vie de Napoléon en période électorale, sous les yeux hagards de citoyens devant uniquement faire leur choix pour des sujets actuels de société.
Les quelques irréductibles de la science-fiction française étaient ainsi uniquement et simplement, des ésotériques avérés, possiblement de futurs leaders de sectes à surveiller.
Après tout Ron Hubbard commença ainsi et le monde vit ce que cela donna. La grille de programmation aussi frappa immédiatement, non pas à l’heure du souper ou du 20 heures, mais à l’heure des émissions religieuses, relayant les thèmes classés gênants dans la case ésotérique, avant même la diffusion des œuvres.
Chose quand même très positive, la Star Academy refaisait son apparition sur les télés durant la période. La télé, et malgré cette tendance, retrouvait un semblant de légèreté.
Les Français allaient peut-être enfin pouvoir se détendre avec du vrai Entertainment en tapotant sur leurs télécommandes. Rien de moins sûr toutefois, tout le monde retenait son souffle.
Les 24/24 de l’actualité allaient-ils enfin être malmenés au profit de contre-programmations similaires occidentales, de ce que les gens attendaient vraiment en rentrant du travail, fatigués ?
Les retraités allaient-ils pouvoir enfin respirer, eux réduits à se lamenter de tous les maux du monde, n’ayant pas passé le cap du streaming ?