Je marchais bien tranquille sur une petite route de campagne avec, à ma gauche, des bosquets de je ne sais quels arbres, épars, et à ma droite, des champs verts à perte de vue. Maïs, blé, autre chose ? Je l’ignore.
La petite route, c’est important, allait droit devant. Le soleil, un grand soleil bleu, faisait de ce paysage frais une image presque banale et pourtant inoubliable. Je ne peux pas vous vanter la belle ferme imposante qui nous eut rappelé une toile de maître, ni le tracteur rouge dynamite qui aurait convoqué les souvenirs fougueux de l’enfance : ni l’une, ni l’autre n’y était.
Pourtant, mon regard n’était pas à plaindre : il avait tout un horizon – une délicate ligne de crête de collines d’outre-Rhône – pour s’y perdre à profusion. C’est dans le temps de ce regard que loin devant, très loin, sous cet horizon, à cet instant précis que je ne peux situer, un vélo traversa ma petite route, de droite à gauche.
Ce vélo qui venait de passer là-bas, tout là-bas, je le reconnus tout de suite. C’était l’Anomalie. Le bonhomme qui était dessus, avec ses petites jambes qui pédalaient, c’était l’incarnation de l’Anomalie et elle venait de me faire, l’air de rien, en traversant, comme ça, un petit signe comme elle savait si bien les faire. Elle entra en résonance avec mon anomalie à moi, et l’activant, la réveillant, elle me rappela que cette vie n’avait rien de normal.
Je voulus oublier vite le petit vélo qui me trottait dans la tête.
Je voulais avoir une vie normale.
Thierry Lazert aime ce message
Ninn' AMer 3 Jan - 9:57