Le Bastringue Littéraire
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POËSIE DU JOUR

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descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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Rappel du premier message :

Ouvert à tous : premier arrivé, premier qui sert !


VERS DORÉS

Eh quoi ! tout est sensible !
PYTHAGORE

Homme, libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose ;
« Tout est sensible ! » Et tout sur ton être est puissant.

Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t’épie :
À la matière même un verbe est attaché…
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !


Gérard de Nerval (1808-1855)

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Dame Jehanne ! Monsieur Chénier vous attend ! vous avez un jour plein de retard !

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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37. 07/09 - André CHÉNIER (1762-1794)
 
Ainsi le jeune amant

Ainsi le jeune amant, seul, loin de ses délices,
S’assied sous un mélèze au bord des précipices,
Et là, revoit la lettre où, dans un doux ennui,
Sa belle amante pleure et ne vit que pour lui.
Il savoure à loisir ces lignes qu’il dévore ;
Il les lit, les relit et les relit encore,
Baise la feuille aimée et la porte à son cœur.
Tout à coup de ses doigts l’aquilon ravisseur
Vient, l’emporte et s’enfuit. Dieux ! il se lève, il crie,
Il voit, par le vallon, par l’air, par la prairie,
Fuir avec ce papier, cher soutien de ses jours,
Son âme et tout lui-même et toutes ses amours.
Il tremble de douleur, de crainte, de colère.
Dans ses yeux égarés roule une larme amère.
Il se jette en aveugle, à le suivre empressé,
Court, saute, vole, et l’œil sur lui toujours fixé,
Franchit torrents, buissons, rochers, pendantes cimes,
Et l’atteint, hors d’haleine, à travers les abîmes.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Monsieur le Démodé, Monsieur Chenier vous attend, vous avez une semaine pleine de retard. Et dans la foulée, vous nous présenterez le prochain auteur.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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koua!?... keskiya?... y a pas le feu, non ?... on a le temps de faire caca oui ou merde ?

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Mais mon pauvre ami, c'est donc une affreuse constipation, que le caca mette une bonne semaine à se manifester ! Essayez donc la matin à jeun : café clope. Ça vous la fera sortir comme huilée. C'est le p'tit déj des femmes de p'tite vertu. Rajoutez y une cuiller à soupe d'huile de foie de morue. C'est le remède de grand-mère par excellence. Si vous voulez un truc plus viril, ne remplacez surtout pas l'huile de morue par l'huile de moteur, ce serait fatal. Heu, je sais pas, un cognac peut-être ça vous videra l'estomac par le haut, quoi qu'il en soit installez-vous confortablement au p'tit coin pour ne pas boucher à nouveau le lavabo. Et bonne chance, hin !

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Les Colchiques
(Guillaume Apollinaire)


Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne

 
Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières

 
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne





Z'aime beaucoup le Guillaume...

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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LE PAUVRE SONGE (ARTHUR RIMBAUD)

Peut-être un Soir m'attend
Où je boirai tranquille
En quelque vieille Ville,
Et mourrai plus content :
Puisque je suis patient !

Si mon mal se résigne,
Si j'ai jamais quelque or,
Choisirai-je le Nord
Ou le Pays des Vignes ?...
- Ah songer est indigne

Puisque c'est pure perte !
Et si je redeviens
Le voyageur ancien,
Jamais l'auberge verte
Ne peut bien m'être ouverte.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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SALTIMBANQUES (GUILLAUME APOLLINAIRE)



Dans la plaine les baladins
S'éloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans églises

Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe

Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours des cerceaux dorés
L'ours et le singe animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Un grand classique dont on ne peut se lasser.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJ'aime ces poésies naïves...

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... pour petits et grands enfants. ☺

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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LA MUSIQUE (CHARLES BAUDELAIRE)


La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;

Je sens vibrer en moi toutes les passions 
D'un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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JEUNESSE (ANDRÉE CHEDID)

Jeunesse qui t'élances
Dans le fatras des mondes
Ne te défais pas à chaque ombre
Ne te courbe pas sous chaque fardeau

Que tes larmes irriguent
plutôt qu'elles ne te rongent

Garde-toi des mots qui se dégradent
Garde-toi du feu qui pâlit

Ne laisse pas découdre tes songes
Ni réduire ton regard

Jeunesse entends-moi
Tu ne rêves pas en vain

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CHARLOTTE DELBO (1913-1985)


J'ai résisté à l'injustice
elle m'a prise
et elle m'a remise à la mort
j'ai résisté à la mort
si fort
qu'elle n'a pas pu m'ôter la vie
pour se venger
elle m'en a ôté l'envie
et
elle m'a fait un certificat
je l'ai là
signé d'une croix
pour me servir la prochaine fois.
*
Mon coeur a perdu sa peine
il a perdu sa raison de battre
la vie m'a été rendue
et je suis là devant la vie
comme devant une robe
qu'on ne peut plus mettre.
*
Un enfant m'a donné une fleur
un matin
une fleur qu'il avait cueillie
pour moi
il a embrassé la fleur
avant de me la donner
et il a voulu que je l'embrasse aussi
il m'a souri
c'était en Sicile
un enfant couleur de réglisse
il n'y a plaie qui ne guérisse
Je me suis dit cela
ce jour-là
je me le redis quelquefois
ce n'est pas assez pour que j'y croie.


extrait de  "Auschwitz et après", tome lll "Mesure de nos jours".

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AUTOMNE MALADE (GUILLAUME APOLLINAIRE)


Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies 
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
                                             Les feuilles 
                                             Qu'on foule
                                             Un train
                                             Qui roule
                                             La vie
                                             S'écoule

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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AUTOMNE (RENÉ GUY CADOU)


Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie 
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.

O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.

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CLAIR DE LUNE (PAUL VERLAINE)

Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Dame Jehanne! Analyse rhythmique, vous prie-je!

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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JARDINS (FRANCIS CARCO)


Il a plu. Le jardin, dans l'ombre, se recueille.
Les chrysanthèmes vont mourir sans qu'on les cueille.
Dans les sentiers mouillés, effeuillaisons de fleurs
Trop pâles; sur le sable, où pas un bruit ne bouge,
Évanouissement des grands dahlias rouges.
Murmure indéfini de toutes ces douleurs
De choses écoutant agoniser les fleurs.
Et de blancs pigeonniers veillent le crépuscule...
Mon enfance, de moi, comme tu te recules,
Parmi ce soir qui tombe et ce jardin qui meurt !
Tu pars, et tu ne reviendras jamais, peut-être;
Ton souvenir, déjà, n'est plus qu'une rumeur
Dans un halo, et qui, bientôt, va disparaître.
Et je reste à rêver, tout seul, à la fenêtre...

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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PATER NOSTER _ J. PREVERT


Notre Père qui êtes au cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Eparpillées
Emerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres


Leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyMerci Nina !

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Merci Nina !
Heureusement que t'es là.
Supernina...🎶

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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C'était demandé gentiment, j'ai découvert et appris un nouveau mot ! (reître)

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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L'ADIEU (GUILLAUME APOLLINAIRE)

J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyPOËSIE DU JOUR

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L'ÉTOILE A PLEURÉ ROSE... (ARTHUR RIMBAUD)

L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJoyeuse vie - I.

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Bien ! pillards, intrigants, fourbes, crétins, puissances !
Attablez-vous en hâte autour des jouissances !
Accourez ! place à tous !
Maîtres, buvez, mangez, car la vie est rapide.
Tout ce peuple conquis, tout ce peuple stupide,
Tout ce peuple est à vous !

Vendez l'état ! coupez les bois ! coupez les bourses !
Videz les réservoirs et tarissez les sources !
Les temps sont arrivés.
Prenez le dernier sou ! prenez, gais et faciles,
Aux travailleurs des champs, aux travailleurs des villes !
Prenez, riez, vivez !

Bombance ! allez ! c'est bien ! vivez ! faites ripaille !
La famille du pauvre expire sur la paille,
Sans porte ni volet.
Le père en frémissant va mendier dans l'ombre ;
La mère n'ayant plus de pain, dénûment sombre,
L'enfant n'a plus de lait.

(...)

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJoyeuse vie - II.

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Millions ! millions ! châteaux ! liste civile !
Un jour je descendis dans les caves de Lille
Je vis ce morne enfer.
Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,
Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres
Dans son poignet de fer.

Sous ces voûtes on souffre, et l'air semble un toxique
L'aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique
L'eau coule à longs ruisseaux ;
Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,
Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante
S'infiltrer dans ses os.

Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;
L'œil en ces souterrains où le malheur s'acharne
Sur vous, ô travailleurs,
Près du rouet qui tourne et du fil qu'on dévide,
Voit des larves errer dans la lueur livide
Du soupirail en pleurs.

Misère ! l'homme songe en regardant la femme.
Le père, autour de lui sentant l'angoisse infâme
Etreindre la vertu,
Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte,
Et n'ose, l'œil fixé sur le pain qu'elle apporte,
Lui dire : D'où viens-tu ?

Là dort le désespoir sur son haillon sordide ;
Là, l'avril de la vie, ailleurs tiède et splendide,
Ressemble au sombre hiver ;
La vierge, rose au jour, dans l'ombre est violette ;
Là, rampent dans l'horreur la maigreur du squelette,
La nudité du ver ;

Là frissonnent, plus bas que les égouts des rues,
Familles de la vie et du jour disparues,
Des groupes grelottants ;
Là, quand j'entrai, farouche, aux méduses pareille,
Une petite fille à figure vieille
Me dit : J'ai dix-huit ans !

Là, n'ayant pas de lit, la mère malheureuse
Met ses petits enfants dans un trou qu'elle creuse,
Tremblants comme l'oiseau ;
Hélas ! ces innocents aux regards de colombe
Trouvent en arrivant sur la terre une tombe
En place d'un berceau !

Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !
J'ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,
Râler l'aïeul flétri,
La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,
Et l'enfant spectre au sein de la mère statue !
Ô Dante Alighieri !

C'est de ces douleurs-là que sortent vos richesses,
Princes ! ces dénûments nourrissent vos largesses,
Ô vainqueurs ! conquérants !
Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes
Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voûtes,
Du cœur de ces mourants.

Sous ce rouage affreux qu'on nomme tyrannie,
Sous cette vis que meut le fisc, hideux génie,
De l'aube jusqu'au soir,
Sans trêve, nuit et jour, dans le siècle où nous sommes
Ainsi que des raisins on écrase des hommes,
Et l'or sort du pressoir.

C'est de cette détresse et de ces agonies,
De cette ombre, où jamais, dans les âmes ternies,
Espoir, tu ne vibras,
C'est de ces bouges noirs pleins d'angoisses amères,
C'est de ce sombre amas de pères et de mères
Qui se tordent les bras,

Oui, c'est de ce monceau d'indigences terribles
Que les lourds millions, étincelants, horribles,
Semant l'or en chemin,
Rampant vers les palais et les apothéoses,
Sortent, monstres joyeux et couronnés de roses,
Et teints de sang humain !

(...)

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyLa Rapsode foraine et le Pardon de Sainte-Anne

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La Palud, 27 Août, jour du Pardon.

Bénite est l’infertile plage
Où, comme la mer, tout est nud.
Sainte est la chapelle sauvage
De Sainte-Anne-de-la-Palud…

De la Bonne Femme Sainte Anne
Grand’tante du petit Jésus,
En bois pourri dans sa soutane
Riche… plus riche que Crésus !

Contre elle la petite Vierge,
Fuseau frêle, attend l’Angelus ;
Au coin, Joseph tenant son cierge,
Niche, en saint qu’on ne fête plus…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C’est le Pardon. – Liesse et mystères –
Déjà l’herbe rase a des poux…
– Sainte Anne, Onguent des belles-mères !
Consolation des époux !

Des paroisses environnantes :
De Plougastel et Loc-Tudy,
Ils viennent tous planter leurs tentes,
Trois nuits, trois jours – jusqu’au lundi.

Trois jours, trois nuits, la palud grogne,
Selon l’antique rituel,
– Choeur séraphique et chant d’ivrogne –
Le CANTIQUE SPIRITUEL.
*
*   *

Mère taillée à coups de hache,
Tout coeur de chêne dur et bon ;
Sous l’or de ta robe se cache
L’âme en pièce d’un franc-Breton !


*

– Vieille verte à face usée
Comme la pierre du torrent,
Par des larmes d’amour creusée,
Séchée avec des pleurs de sang…
*
– Toi dont la mamelle tarie
S’est refait, pour avoir porté
La Virginité de Marie,
Une mâle virginité !
*
– Servante-maîtresse altière,
Très-haute devant le Très-Haut :
Au pauvre monde, pas fière,
Dame pleine de comme-il-faut !
*
– Bâton des aveugles ! Béquille
Des vieilles ! Bras des nouveau-nés !
Mère de madame ta fille !
Parente des abandonnés !
*
– Ô Fleur de la pucelle neuve !
Fruit de l’épouse au sein grossi !
Reposoir de la femme veuve…
Et du veuf Dame-de-merci !
*
– Arche de Joachim ! Aïeule !
Médaille de cuivre effacé !
Gui sacré ! Trèfle-quatre-feuille !
Mont d’Horeb ! Souche de Jessé !
*
– Ô toi qui recouvrais la cendre,
Qui filais comme on fait chez nous,
Quand le soir venait à descendre,
Tenant l’ENFANT sur tes genoux ;
*
– Toi qui fus là, seule, pour faire
Son maillot neuf à Bethléem,
Et là, pour coudre son suaire
Douloureux, à Jérusalem !…
*
Des croix profondes sont tes rides,
Tes cheveux sont blancs comme fils…
– Préserve des regards arides
Le berceau de nos petits-fils !
*
Fais venir et conserve en joie
Ceux à naître et ceux qui sont nés.
Et verse, sans que Dieu te voie,
L’eau de tes yeux sur les damnés !
*
Reprends dans leur chemise blanche
Les petits qui sont en langueur…
Rappelle à l’éternel Dimanche
Les vieux qui traînent en longueur.
*
– Dragon-gardien de la Vierge,
Garde la crèche sous ton oeil.
Que, près de toi, Joseph-concierge
Garde la propreté du seuil !
*
Prends pitié de la fille-mère,
Du petit au bord du chemin…
Si quelqu’un leur jette la pierre,
Que la pierre se change en pain !
*
– Dame bonne en mer et sur terre,
Montre-nous le ciel et le port,
Dans la tempête ou dans la guerre…
Ô Fanal de la bonne mort !
*
Humble : à tes pieds n’as point d’étoile,
Humble… et brave pour protéger !
Dans la nue apparaît ton voile,
Pâle auréole du danger.
*
– Aux perdus dont la vue est grise,
(– Sauf respect – perdus de boisson)
Montre le clocher de l’église
Et le chemin de la maison.
*
Prête ta douce et chaste flamme
Aux chrétiens qui sont ici…
Ton remède de bonne femme
Pour les bêtes-à-corne aussi !
*
Montre à nos femmes et servantes
L’ouvrage et la fécondité…
– Le bonjour aux âmes parentes
Qui sont bien dans l’éternité !
*
– Nous mettrons un cordon de cire,
De cire-vierge jaune, autour
De ta chapelle ; et ferons dire
Ta messe basse au point du jour.
*
– Préserve notre cheminée
Des sorts et du monde-malin…
À Pâques te sera donnée
Une quenouille avec du lin.
*
Si nos corps sont puants sur terre,
Ta grâce est un bain de santé ;
Répands sur nous, au cimetière,
Ta bonne odeur-de-sainteté.
*
– À l’an prochain ! – Voici ton cierge :
(C’est deux livres qu’il a coûté)
… Respects à Madame la Vierge,
Sans oublier la Trinité.
*
*   *
… Et les fidèles, en chemise,
– Sainte Anne, ayez pitié de nous ! –
Font trois fois le tour de l’église
En se traînant sur leurs genoux ;

Et boivent l’eau miraculeuse
Où les Job teigneux ont lavé
Leur nudité contagieuse…
– Allez : la Foi vous a sauvé ! –

C’est là que tiennent leurs cénacles
Les pauvres, frères de Jésus.
– Ce n’est pas la cour des miracles,
Les trous sont vrais : Vide latus !

Sont-ils pas divins sur leurs claies,
Qu’auréole un nimbe vermeil,
Ces propriétaires de plaies,
Rubis vivants sous le soleil !…

En aboyant, un rachitique
Secoue un moignon désossé,
Coudoyant un épileptique
Qui travaille dans un fossé.

Là, ce tronc d’homme où croît l’ulcère,
Contre un tronc d’arbre où croît le gui ;
Ici, c’est la fille et la mère
Dansant la danse de Saint-Guy.

Cet autre pare le cautère
De son petit enfant malsain :
– L’enfant se doit à son vieux père…
– Et le chancre est un gagne-pain !

Là, c’est l’idiot de naissance,
Un visité par Gabriel,
Dans l’extase de l’innocence…
– L’innocent est près du ciel ! –

– Tiens, passant, regarde : tout passe…
L’oeil de l’idiot est resté,
Car il est en état-de-grâce…
– Et la Grâce est l’Éternité ! –

Parmi les autres, après vêpre,
Qui sont d’eau bénite arrosés,
Un cadavre, vivant de lèpre,
Fleurit – souvenir des croisés…

Puis tous ceux que les Rois de France
Guérissaient d’un toucher de doigts…
– Mais la France n’a plus de rois,
Et leur dieu suspend sa clémence.

– Charité dans leurs écuelles !…
Nos aïeux ensemble ont porté
Ces fleurs de lis en écrouelles
Dont ces choisis ont hérité.

– Miserere pour les ripailles
Des Ankokrignets et Kakous !
Ces moignons-là sont des tenailles,
Ces béquilles donnent des coups.

Risquez-vous donc là, gens ingambes,
Mais gare pour votre toison :
Gare aux bras crochus ! gare aux jambes
En kyriè-éleison !

… Et détourne-toi, jeune fille,
Qui viens là voir, et prendre l’air…
Peut-être, sous l’autre guenille,
Percerait la guenille en chair…

C’est qu’ils chassent là sur leurs terres !
Leurs peaux sont leurs blasons béants :
– Le droit-du-seigneur à leurs serres !…
Le droit du Seigneur de céans ! –

Tas d’ex-voto de carne impure,
Charnier d’élus pour les cieux,
Chez le Seigneur ils sont chez eux !
– Ne sont-ils pas sa créature…

Ils grouillent dans le cimetière
On dirait les morts déroutés
N’ayant tiré de sous la pierre
Que des membres mal reboutés.

– Nous, taisons-nous !… Ils sont sacrés.
C’est la faute d’Adam punie
Le doigt d’En-haut les a marqués :
– La Droite d’En-haut soit bénie !

Du grand troupeau, boucs émissaires
Chargés des forfaits d’ici-bas,
Sur eux Dieu purge ses colères !…
– Le pasteur de Sainte-Anne est gras. –
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais une note pantelante,
Écho grelottant dans le vent
Vient battre la rumeur bêlante
De ce purgatoire ambulant.

Une forme humaine qui beugle
Contre le calvaire se tient ;
C’est comme une moitié d’aveugle :
Elle est borgne, et n’a pas de chien…

C’est une rapsode foraine
Qui donne aux gens pour un liard
L’Istoyre de la Magdalayne,
Du Jvif-Errant ou d’Abaylar.

Elle hâle comme une plainte,
Comme une plainte de la faim,
Et, longue comme un jour sans pain,
Lamentablement, sa complainte…

– Ça chante comme ça respire,
Triste oiseau sans plume et sans nid
Vaguant où son instinct l’attire :
Autour des Bon-Dieu de granit…

Ça peut parler aussi, sans doute.
Ça peut penser comme ça voit :
Toujours devant soi la grand’route…
– Et, quand ç’a deux sous… ça les boit.

– Femme : on dirait hélas – sa nippe
Lui pend, ficelée en jupon ;
Sa dent noire serre une pipe
Éteinte… – Oh, la vie a du bon ! –

Son nom… ça se nomme Misère.
Ça s’est trouvé né par hasard.
Ça sera trouvé mort par terre…
La même chose – quelque part.

– Si tu la rencontres, Poète,
Avec son vieux sac de soldat :
C’est notre soeur… donne – c’est fête
Pour sa pipe, un peu de tabac !…

Tu verras dans sa face creuse
Se creuser, comme dans du bois,
Un sourire ; et sa main galeuse
Te faire un vrai signe de croix.

Tristan Corbière


Dernière édition par DédéModé le Dim 27 Aoû - 8:02, édité 4 fois

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Charles et Victor peuvent aller se rhabiller (à propos, la dentelle, qui craint la lumière, d'où les caves de Lille, Valenciennes et d'ailleurs, que lui avait laissé sa mère en collection, était la seule richesse de Céline, disait-il ; il savait, lui, d'où elle venait...), François dont il lui poisoit, et qui avait comme Tristan intimement connu la Rapsode, je ne sais point, tant on est ici dans les hautes sphères.

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L'Adieu de l'hôtesse arabe (recueil Les Orientales)


Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays,
Ni l'ombre du palmier, ni le jaune maïs,
Ni le repos, ni l'abondance,
Ni de voir à ta voix battre le jeune sein
De nos sœurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim
Couronne un coteau de sa danse,

Adieu, voyageur blanc ! J'ai sellé de ma main,
De peur qu'il ne te jette aux pierres du chemin,
Ton cheval à l'œil intrépide ;
Ses pieds fouillent le sol, sa croupe est belle à voir,
Ferme, ronde et luisante ainsi qu'un rocher noir
Que polit une onde rapide.

Tu marches donc sans cesse ! Oh ! que n'es-tu de ceux
Qui donnent pour limite à leurs pieds paresseux
Leur toit de branches ou de toiles !
Qui, rêveurs, sans en faire, écoutent les récits,
Et souhaitent, le soir, devant leur porte assis,
De s'en aller dans les étoiles !

Si tu l'avais voulu, peut-être une de nous,
Ô jeune homme, eût aimé te servir à genoux
Dans nos huttes toujours ouvertes ;
Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants,
Pour chasser de ton front les moucherons méchants,
Un éventail de feuilles vertes.

Mais tu pars ! – Nuit et jour, tu vas seul et jaloux.
Le fer de ton cheval arrache aux durs cailloux
Une poussière d'étincelles ;
A ta lance qui passe et dans l'ombre reluit,
Les aveugles démons qui volent dans la nuit
Souvent ont déchiré leurs ailes.

Si tu reviens, gravis, pour trouver ce hameau,
Ce mont noir qui de loin semble un dos de chameau ;
Pour trouver ma hutte fidèle,
Songe à son toit aigu comme une ruche à miel,
Qu'elle n'a qu'une porte, et qu'elle s'ouvre au ciel
Du côté d'où vient l'hirondelle.

Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois
Aux filles du désert, sœurs à la douce voix,
Qui dansent pieds nus sur la dune ;
Ô beau jeune homme blanc, bel oiseau passager,
Souviens-toi, car peut-être, ô rapide étranger,
Ton souvenir reste à plus d'une !

Adieu donc ! – Va tout droit. Garde-toi du soleil
Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil ;
De l'Arabie infranchissable ;
De la vieille qui va seule et d'un pas tremblant ;
Et de ceux qui le soir, avec un bâton blanc,
Tracent des cercles sur le sable !

Le 24 novembre 1828.



Remarquable : pour faire rimer pays avec maïs, il faut une prononciation étrange.

_________________
Virtus verborum amo.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyEt la villanelle, alors ?

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Joseph Boulmier – Les Villanelles – 1878

Villanelle

Pour faire une villanelle
Rime en ‘elle’ et rime en ‘in’
La méthode est simple et belle.

On dispose en kyrielle
Cinq tercets, plus un quatrain,
Pour faire une villanelle

Sur le premier vers en ‘elle’
Le second tercet prend fin ;
La méthode est simple et belle.

Le troisième vers, fidèle,
Alterne comme refrain
Pour faire une villanelle

La ronde ainsi s’entremêle ;
L’un, puis l’autre, va son train
La méthode est simple et belle.

La dernière ritournelle
Les voit se donner la main
La méthode est simple et belle
Pour faire une villanelle

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Ah oui ! y a des similitudes avec les miennes (j'en ai foiré une) ; je l'avais pas relue, pourtant.
Merci Jeanne (je me suis permis de rendre leurs strophes aux vers).
Au fait, vous n'en aviez pas écrit une ?

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(merci d'avoir remis en forme)
effectivement, j'en avais tenté une, elle date un peu. 

Jolies fleurs

Allons au bois, jolie fille !
J'en ai chassé tous les loups,
Enivrons-nous de jonquilles.

Pour vous, tous mes sens frétillent,
J'embrasserai votre cou,
Allons au bois, jolie fille !

Pour que votre regard brille,
Je ne serai plus voyou,
Enivrons-nous de jonquilles.

Mon cœur fou se déshabille,
J'oublie mes quatre cents coups.
Allons au bois, jolie fille !

De désir, je me tortille,
Je serai à votre goût,
Enivrons-nous de jonquilles.

J'attendrai dans la courtille,
Me prendrez-vous pour époux ?
Allons au bois, jolie fille !
Enivrons-nous de jonquilles.

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J'aime bien cette association de rimes ; ça sonne clair !
Les loups et les jonquilles, ça me revient maintenant.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJoyeuse vie - III.

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Ô paradis ! splendeurs ! versez à boire aux maîtres !
L'orchestre rit, la fête empourpre les fenêtres,
La table éclate et luit ;
L'ombre est là sous leurs pieds ! les portes sont fermées
La prostitution des vierges affamées
Pleure dans cette nuit !

Vous tous qui partagez ces hideuses délices,
Soldats payés, tribuns vendus, juges complices,
Évêques effrontés,
La misère frémit sous ce Louvre où vous êtes !
C'est de fièvre et de faim et de mort que sont faites
Toutes vos voluptés !

À Saint-Cloud, effeuillant jasmins et marguerites,
Quand s'ébat sous les fleurs l'essaim des favorites,
Bras nus et gorge au vent,
Dans le festin qu'égaie un lustre à mille branches,
Chacune, en souriant, dans ses belles dents blanches
Mange un enfant vivant !

Mais qu'importe ! riez ! Se plaindra-t-on sans cesse ?
Serait-on empereur, prélat, prince et princesse,
Pour ne pas s'amuser ?
Ce peuple en larmes, triste, et que la faim déchire,
Doit être satisfait puisqu'il vous entend rire
Et qu'il vous voit danser !

Qu'importe ! Allons, emplis ton coffre, emplis ta poche.
Chantez, le verre en main, Troplong, Sibour, Baroche !
Ce tableau nous manquait.
Regorgez, quand la faim tient le peuple en sa serre,
Et faites, au-dessus de l'immense misère,
Un immense banquet !

(...)

Remarque : Pays se prononce comme maïs en langue d'oc, Patronne.

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descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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Je pense que c'est une vieille tournure pour dire son manteau lui donnait une apparence royale

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyLe Rondel de Tristan

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Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles !
Il n'est plus de nuits, il n'est plus de jours ;
Dors... en attendant venir toutes celles
Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !

Entends-tu leurs pas ?... Ils ne sont pas lourds :
Oh ! les pieds légers ! - l'Amour a des ailes...
Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles !
Entends-tu leurs voix ?... Les caveaux sont sourds.

Dors : il pèse peu, ton faix d'immortelles ;
Ils ne viendront pas, tes amis les ours,
Jeter leur pavé sur tes demoiselles...
Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles !

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJoyeuse vie - IV.

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Ils marchent sur toi, peuple ! Ô barricade sombre,
Si haute hier, dressant dans les assauts sans nombre
Ton front de sang lavé,
Sous la roue emportée, étincelante et folle,
De leur coupé joyeux qui rayonne et qui vole,
Tu redeviens pavé !

À César ton argent, peuple ; à toi la famine.
N'es-tu pas le chien vil qu'on bat et qui chemine
Derrière son seigneur ?
À lui la pourpre ; à toi la hotte et les guenilles.
Peuple, à lui la beauté de ces femmes, tes filles,
À toi leur déshonneur !

(...)

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyJoyeuse vie - V.

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Ah ! quelqu'un parlera. La muse, c'est l'histoire.
Quelqu'un élèvera la voix dans la nuit noire.
Riez, bourreaux bouffons !
Quelqu'un te vengera, pauvre France abattue,
Ma mère ! et l'on verra la parole qui tue
Sortir des cieux profonds !

Ces gueux, pires brigands que ceux des vieilles races,
Rongeant le pauvre peuple avec leurs dents voraces,
Sans pitié, sans merci,
Vils, n'ayant pas de cœur, mais ayant deux visages,
Disent : — Bah ! le poète ! il est dans les nuages ! —
Soit. Le tonnerre aussi.

Le 19 janvier 1853.

Victor Hugo.

descriptionPOËSIE DU JOUR - Page 3 EmptyRe: POËSIE DU JOUR

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A la musique
Arthur Rimbaud


Place de la Gare, à Charleville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent :  » En somme !…  »

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

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