Doubles drabbles
18. Le Vioque
À l’époque, je bourlinguais sur des navires des mers du sud grâce à Jack Sparrow. J’y croisais jambes de bois, canons, et drapeaux de pirates. Un jour, au hasard d’une balade dans les rues de mon quartier, je rencontrai « Le Vioque ». C’était le surnom que les adultes lui donnaient.
Le Vioque était un défi aux alchimistes, un gars plus vieux que Dieu. Le Jéroboam du coin autant en âge qu’en descente au zinc du Bar de la Marine. Un boulet pour la société mais la langue agile lorsque le rhum coulait à flot.
Nous sympathisâmes.
Nous sympathisâmes.
Homme apprécié de tous, particulièrement en période touristique, la légende voulait que l’ancêtre eût trouvé le trésor de Rackham le Rouge. Beaucoup venaient des quatre coins de la planète, espérant récolter quelque indice sur la cachette. Les aventures du Vioque, le soir au coin du feu, valaient tous les romans d’aventure du monde.
Une aube, il me prit à part.
— Gamin, pour toi, un secret et un cadeau...
Le lendemain, il rejoignit le cimetière du village. Le temps avait eu raison de lui.
Dans la doublure de sa redingote : un plan.
— Le Vioque, c’est mon Abbé Faria.
19. Inutile
« L’ennui crée la dépression, la dépression crée l’ennui » dit un mauvais rêve dans lequel aucun ange ne peut percer le brouillard de l’erraticité.
Rien ne vaut la certitude du foyer, de quoi rendre heureux Ulysse ! N’exister que chez soi, dans cette bulle refuge réconfortante et sûre. La routine y bat son plein depuis des lustres, semble-t-il. Des levers programmés ; le café frais et ses tartines beurre confiture avant le passage en salle d’ablution pour se donner bonne mine.
— Miroir ! Ô Miroir ! Montre moi la vérité !
— Te souviens-tu ? Avant, tu étais quelqu’un.
Heureusement le mercredi, c’est comédies romantiques sur les chaînes câblées. Une évasion dans le giron quotidien de la solitude. Un cœur nostalgie se réveille. Vainement. Les volets clos éclairent un bonheur obsolète.
La routine en credo à tire-larigot, le soleil se couche - moi aussi.
Soudain, happé comme la mouche qui reçoit un coup de massue, je plane au plafond d’une chambre de soins intensifs. Mon double physique m’attend pour la séance solennelle de débranchement des machines et drogues qui nous maintiennent dans une fausse vie.
La corde se rompt ; la Lumière apparaît.
Enfin quitter ce purgatoire inutile...
Rien ne vaut la certitude du foyer, de quoi rendre heureux Ulysse ! N’exister que chez soi, dans cette bulle refuge réconfortante et sûre. La routine y bat son plein depuis des lustres, semble-t-il. Des levers programmés ; le café frais et ses tartines beurre confiture avant le passage en salle d’ablution pour se donner bonne mine.
— Miroir ! Ô Miroir ! Montre moi la vérité !
— Te souviens-tu ? Avant, tu étais quelqu’un.
Heureusement le mercredi, c’est comédies romantiques sur les chaînes câblées. Une évasion dans le giron quotidien de la solitude. Un cœur nostalgie se réveille. Vainement. Les volets clos éclairent un bonheur obsolète.
La routine en credo à tire-larigot, le soleil se couche - moi aussi.
Soudain, happé comme la mouche qui reçoit un coup de massue, je plane au plafond d’une chambre de soins intensifs. Mon double physique m’attend pour la séance solennelle de débranchement des machines et drogues qui nous maintiennent dans une fausse vie.
La corde se rompt ; la Lumière apparaît.
Enfin quitter ce purgatoire inutile...
20. Le sang bleu
Marie-Christine Chambard est mon amie depuis la maternelle. C’est vrai qu’elle a toujours couru vite. Elle vient du quatre-vingt-treize, moi du soixante-quinze. Ceci explique cela. Même le prof de gym n’arrivait pas à la rattraper. Elle en avait dans le sang vu ses origines. Le sang bleu des divinités coulait dans ses veines selon les dires du professeur d’histoire.
Il nous avait fait rêver en nous expliquant à tous que nous étions filles et fils de Dieu. Enfin, du truc suprême qui siège au-dessus de nous.
Mais pas égaux en sport.
Depuis le supérieur, j’ai arrêté le foot de haut niveau, privilégiant les études comme l’ont voulu et exigé les parents. Je suis devenu petit bourgeois provincial dont se moque Brel dans ses chansons. Il en a bien raison le bougre !
Rentré dans le rang et heureux de l’être, je vois la vie dans sa vérité académique. Le sport me manque mais depuis que je sais Marie-Christine gisant sur sa couche suintante de sueur de citron pressé, j’en suis devenu pieux.
— Dis, Seigneur, une pensée de guérison, ça fait doublon avec une prière à l’église ?
Mais pas égaux en sport.
Depuis le supérieur, j’ai arrêté le foot de haut niveau, privilégiant les études comme l’ont voulu et exigé les parents. Je suis devenu petit bourgeois provincial dont se moque Brel dans ses chansons. Il en a bien raison le bougre !
Rentré dans le rang et heureux de l’être, je vois la vie dans sa vérité académique. Le sport me manque mais depuis que je sais Marie-Christine gisant sur sa couche suintante de sueur de citron pressé, j’en suis devenu pieux.
— Dis, Seigneur, une pensée de guérison, ça fait doublon avec une prière à l’église ?
Dernière édition par DédéModé le Dim 30 Juil - 17:11, édité 12 fois