Le making of rien (les potacheries du père Lazert)
Introduction
À l’aube d’un siècle tout neuf qui commence depuis bientôt 25 ans, et dans un souci d’élargissement de la chose cognistique, nous nous proposons de nous pencher sur le processus créatif dans l’élaboration du rien, ou plutôt des riens puisque nous aborderons plusieurs manières d’appréhender ce rien, correspondant à plusieurs arts : littérature, peinture, sculpture, musique, photographie, cinématographie et BD.
À titre d’exemple, et afin que le lecteur saisisse d’emblée les horizons et les limites de ce livre, regardons dans le domaine de la littérature ce que rien n’a inspiré un grand auteur.
Émile Zola, sur la fin de sa vie, s’est presque lancé dans l’écriture d’un roman mais n’en a rien fait. Un tel exemple est parlant à plus d’un titre : nous savons aujourd’hui qu’Émile Zola ne pouvait pas ne pas ignorer qu’en n’écrivant pas ce roman, le résultat se réduirait à peau de chat gris. Une conscience éclairée est à l’œuvre. Un acte prémédité est en jeu. Il n’aura échappé à personne que Zola n’est plus interviewable aussi sommes-nous contraints à la mise en place d’un dispositif reposant sur le principe de la représentation dite « en pensée ». Zola pudique ? Zola fainéant ? Zola épuisé ? Tout est possible et une seule chose est sûre : tout n’a mené qu’à rien.
Remarquons qu’il y a deux grandes écoles du rien : en musique, le musicien a un sous-choix à faire une fois qu’il a choisi de ne rien faire. Il peut soit s’abstenir de publier un disque, soit publier un disque ne comportant que du silence. Le même sous-choix s’impose à chaque artiste, avec, c’est notable, une contingence très particulière à laquelle le sculpteur est confronté : une fois qu’il a choisi de ne rien faire, il lui reste à opter pour ne rien sculpter du tout, comme le musicien ne publie pas de disque, ou sculpter le vide, comme le musicien enregistre le silence. Dans un cas le public ne voit rien, dans l’autre non plus (c’est le début d’une question vertigineuse à propos de la sculpture : art total ou art relatif ?).
Cette introduction serait incomplète si elle n’évoquait pas le cas particulier de Pierre Soulages. Nous laissons au lecteur le soin de considérer pour lui/elle-même si Soulages ne peint rien ou ne peint pas rien. À moins de décider qu’il peint ponts et échelles entre le rien et le néant ?
Nous souhaitons au lecteur une agréable promenade dans ce territoire qui nous semblait trop peu exploré : l’expression des riens.
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Thierry Lazert et Jihelka aiment ce message
Salima SalamMar 13 Fév - 7:24