Le Bastringue Littéraire
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1. Momo

Aucune des saloperies que la Nature lui avait infligées ne lui échappait. Chaque douleur, chaque goutte de sueur malodorante, chaque souffle court lui rappelait la lente agonie dans laquelle il était plongé. Et moi, j'étais là, impuissant face à la détresse de mon frangin.

Momo s'était forgé une réputation de brute insensible, intimidant tous ceux qui croisaient son chemin. Mais aujourd'hui, les démons qu'il avait ignorés pendant des décennies venaient le hanter avec une violence implacable.
Les murs crasseux de son taudis semblaient se refermer sur lui, amplifiant la puanteur des lieux. La fumée âcre de ses cigarettes consumées avec excès flottait dans l'air vicié.

Momo avait toujours été un gros con rugueux tatoué comme une enseigne publicitaire, mais aujourd'hui, il était devenu un pantin dans ses fringues usées de soixante-huitard.
J'ai pris sa pogne calleuse dans la mienne. Les années avaient laissé des cicatrices sur notre relation, mais le lien fraternel était toujours là, ténu mais résistant, même si je savais que cela ne suffirait pas à effacer les stigmates de sa vie.
"Momo, mon frère, tu as vécu dans cette merde assez longtemps. Bouge ton derche et dégage de cette chienlit sordide !”.

Il a levé ses yeux rougis vers moi, son visage ravagé par la vinasse et les regrets.
"Ouais, frangin. T’as pas tout à fait tort".

Un espoir fragile... Nous savions tous les deux que le chemin serait difficile, semé d'embûches et de rechutes, mais nous étions prêts à nous battre. Ensemble, nous allions affronter les démons qui l’avaient tourmenté pendant si longtemps, et peut-être, juste peut-être, que Momo trouverait une lueur de bonheur dans les ténèbres qui l’entouraient.


Ce matin, le verdict de son dernier scanner est tombé : « Cancer du pancréas ». Il reste à Momo moins de trois semaines à vivre. Il l’ignore encore.

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2. « La bonne affaire »


Nom : Momo
Année de conception estimée : 1965 
Genre : homo-érectus-ça-pince-ça-coince




Fiche technique :


La batterie, qui a beaucoup servi, est faiblichonne, il faut craindre qu'elle ne tombe à plat malgré les maniements répétitifs matinaux du starter* (*objet collector).
Le levier de vitesse fonctionne de façon aléatoire : la 1ère et la seconde, quand elles passent, sont souvent suivies d'un calage nécessitant un long redémarrage manuel, c’est normal pour une antiquité.
Le frein à main reste mou.
Les amortisseurs grincent si le poids de la passagère est important.
Au démarrage ont été ressenties brièvement quelques sensations vibratoires.
La carrosserie, bien que présentant de nombreuses éraflures et traces de chocs divers, est lavée et lustrée tous les dimanches matin avec des produits respectant l'environnement.
La consommation est importante : 10 litres/jour d’un carburant bien rouge noté 9,5  (on en trouve encore chez les vieux distributeurs).
Les pare-chocs sont un peu cabossés à force d'emboutir l'arrière ou l'avant des grosses berlines.
Le kilométrage est important, le compteur semble avoir fait de nombreux tours.
Le moteur tussif crache des huiles malodorantes.
Le pot d’échappement bruyant laisse échapper des fumées irritantes.
L'antipollution n’existe pas sur ce modèle.
Les pneus sont avachis, craquelés et encroûtés.
Le contrôle technique annonce de nombreuses opérations nécessaires si une alléatoire remise aux normes est souhaitée.


Historique :


A grimpé d'innombrables montagnes ; des grosses, des petites, mais aussi des collines brûlantes aux vallons profonds, pénétré des tunnels froids et humides, des bouches de métro, et foncé sur des voies sans issues durant de nombreuses années, ce qui explique le caractère poussif de l’ensemble.
Seul le train n'est pas passé dessous, c'est une chance non ?


Les personnes intéressées sont invitées à contacter « le Bastringue » au 06.69.82.563.342. Ne ratez pas cette affaire « vintage » exposée H 24/24 et J 7/7 devant le comptoir, elle fera vibrer vos basses cordes sensibles.

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3. Fin de partie

Ce matin s'ouvrit un œil, puis l'autre, lentement. Les paupières aussi lourdes que des rideaux métalliques crissèrent en remontant des cornées éraillées, tirées par des câbles fissurés d'où s'échappèrent des images vagabondes et décousues.

Une bouche encore jeune mais tant ridée d'avoir distillé de l'alcool resta hermétique à toute prise de nouvelle drogue, d'après ce qu'elle avait craché dans un moment de lucidité, avant d'en sceller définitivement les lèvres. Les pilules qui devaient lui rendre l'envie de vivre restèrent dans une coupelle ébréchée.

Des mains noueuses prises de spasmes s'agrippèrent à la tête de lit, le corps tendu jusqu'à la pointe des pieds en offrande à l'ultime sacrifice.

Les oreilles ne voulurent plus rien entendre, excepté ses pensées moribondes. 

L'être exhala les effluves du néant.

Voilà comment le virent son salopard de frangin et cette traîtresse de Lucilia : une loque prête à rendre son dernier souffle. Ces deux-là s'évertuaient à donner le change depuis tant d'années... mais il comprit très vite que la progéniture enfantée par sa compagne n'était pas issue de son sperme. Il avait alors envisagé de tous les négocier puis s'etait ravisé, sombrant dans la douleur.

Aujourd'hui c'est fini, qu'ils aillent tous au diable, mais lui d'abord. Ce ne sera pas long. Il ferme les yeux. De toute façon, il est mort le jour de ses quatorze ans, quand il est tombé amoureux d'une fille plus vieille que lui, celle que son frère convoitait.

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4.

Il avait un rein en moins. Ça ne se remarquait pas de l'extérieur, bien sûr, mais ça le travaillait, presque ça se lisait sur son front ; il se tâtait souvent le côté gauche, pour voir s'il sentait le vide. Immanquablement, après il souriait, crispé, dévoilait une incisive absente et des canines pointues lui donnant un air de mauvais sujet. Et c'était pas mensonge. Il n'était pas bon. Tu me diras, il a filé le coton qui se présentait. Mais c'est un peu facile. Il était pas bon je te dis et je sais de quoi je parle.
Il avait passé une vie à se doucher de l'intérieur avec du 35°vol. Il s'était débarrassé de sa vieille mère en la casant dans une maison de retraite miteuse. Il avait deux ou trois enfants qu'il n'avait pas reconnus. Il avait travaillé dans le flocage à l'amiante. En fait, il avait passé sa vie à emmerder le monde et la nature, maintenant tous deux se vengeaient, c'était de bonne guerre. 
Ses derniers courriers : la sécu qui ne prennait pas en charge son traitement et un huissier pour impayé de loyer. Ses seuls contacts sociaux. Et moi naturellement. Je fixais ses yeux aux paupières rouges qui s'ouvraient à peine.
Jeune, il était beau, troublant comme un ange déchu. Il avait réveillé en moi des choses que... Je ne me connaissais pas moi-même. On est devenus frères de sang après une nuit de... d'excès. Et maintenant il ne restait plus rien de ces artifices qui vous trompent sur la nature d'un homme. Il est plus aisé de croiser le regard d'un diable que d'un ange.
Je te dis ça, je sais pas pourquoi, ça le fera pas revenir, et si ça pouvait le rappeler parmi nous, je crois je me tairais.

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5.

Ouais bin moi le Momo je me l’aime avec sa gueule d’angelot qui a perdu ses chicots. L’est trop chou avec ses cheveux luisants qu’on dirait qu’il les a gominés avec le papier gras des frites de chez la mère Pouille.
Et puis ses yeux ! Ses gros yeux, globuleux comme ceux de la mouche à merde qui se prend pour un satellite au plafond de sa chambre lui font un charme fou !
S’ils sont rouges ses yeux c’est pas à cause de la vinasse qui lui fait des couloirs de labyrinthe sur la figure non, s’ils sont rouges ses yeux c’est parce que le Momo il est sensible et que dès fois il pleure et qu’il les frotte avec ses grosses pognes grises et caleuses pour les essuyer avant que ça se voit. Il a sa pudeur Momo.
La Lucilia elle ferait mieux de se planquer avant de se prendre ma tapette qui lui écrabouillera sa sale tronche de sauterelle sur le retour et laissera le jus de sa grosse poitrine verte et velue dégouliner sur les vieux carreaux rouges et puis j’enverrai grouiller ses chiards de vers au fond des chiottes en leur versant dessus la pisse macérée dans le pot caché sous le lit !
Le Momo, personne n’a le droit de s’en moquer, ni d’y toucher. Sa laideur est de toute beauté.

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6. JE SERAI COMME MON PÈRE

C'est ce qu'il répétait tout le temps, gamin.
Le hic c'est que c'était pas le premier venu, Le Vieux : le genre de type qui force le respect d'un regard. Lui l'avait gris-bleu, profond, étiré, bien à l'abri sous de longs sourcils noirs en accent circonflexe, froncés en la circonstance comme par le soleil au zénith, et qui semblait vous fouiller l'âme pour y séparer le bon grain de l'ivraie.
Maurice, dès sa sortie de l'école à quinze ans, s'était fait peindre tout autour du sien, comme un Indien, mais à l'encre. Malheureusement pour lui, bien qu'il avait un peu des traits de son père, c'est la douceur de sa mère Lucette qui y reprenait place dès qu'il s'oubliait un peu ; autant dire qu'il faisait pas illusion très longtemps.
Ce qu'il avait bien pris de son père, en revanche, c'était la droiture et l'honnêteté : il détroussait guère que le bourgeois, et quand il donnait sa parole, on savait qu'on avait pas besoin de signature.
Bref, il était parti, peinard, pour prendre la succession du Roi du Trieu, seigneur local respecté jusque par l'Autorité communale du jour où il a définitivement remisé le blouson noir et la chaîne de vélo pour une supérette avec son nom en grosses lettres sur la façade.

Hélas, « le gamin » tenait aussi de sa mère un vide intérieur que seul un certain liquide savait combler, et le jour où, à sec de toute part depuis trop longtemps, il a osé lever la main sur elle pour lui soutirer les clés de la caisse... il aurait mieux valu que son père le tue pour de bon.
J'ai compris à sa sortie de l'hôpital, quinze jours plus tard, que mon frangin Momo, devenu « Le Déshérité », ne serait plus désormais qu'« un mort qui marche ».

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7.

Son accident de parapente lui avait brisé les jambes. Après des mois de rééducation il pouvait enfin déambuler à nouveau sur les plages TABU de Papeete sans trop se faire de mal. Par contre son moral dérouillait rudement. Ruiné par des embrouilles immobilières avec son ex-femme, son projet de tour du monde en scooter des mers avait échoué. Le seul sponsor qu'il avait dégoté de chez Fleury Méchant, s'était tiré une balle dans la tête après avoir visité un abattoir. Des années de préparation à l'eau. Le scooter des mers en kevlar ne verrait jamais le jour. Momoribon comme le surnommaient les autochtones, fumait de plus en plus. Parfois, il avait sept clopes coincées en même temps dans la gueule, et qui brûlaient leurs chandelles par les deux petits bouts de la lorgnette. De plus, il souffrait d'hypertension non labile. 
Alors il eu l'idée d'écrire ses mémoires à l'aide d'un logiciel à reconnaissance de la parole qui le con, enregistrait aussi le moindre bruit alentour dont les flic floc de la bouteille de Rhum. Le manuscrit était proprement illisible. 
Les dettes et les dommages et intérêts suite à propos racistes à un élu, s'accumulaient en un K2 himalayen mortifère et glaçant. 
Momoribon devait se rendre en France à Nice pour vendre sa riche montre de plongée aux enchères, celle qu'il avait gardé en souvenir de ses exploits de plongeur extrême à La Comex sur une plateforme pétrolière.
24 heures d'avion ! Mieux valait rentrer à Paris à la nage. Le Docteur Bobo, lui avait déconseillé tout effort de jeune quand on est un vieux con sur le retour.
Il fallait absolument vendre cette montre recherchée par des collectionneurs.
Quel dommage d'avoir fait de mauvais choix et de mauvaises rencontres. Regrets ardents sans remord dans le rétroviseur de sa vie, et bourdon lourdingue firent leur travail de sape dans le cerveau meurtri de nostalgie du Momo... Dans la nuit il eut une ischémie cérébrale ; les SMUR tahitiens étant très lents, celle-ci fit de gros dégâts.
 Désormais, c'est la mort amie qu'il faudrait toquer de quelques coups de marteau pour la vente aux enchères de l'échec et de l'oubli. Adjugé vendu !

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