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Littérature jeunesse

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07032024
Littérature jeunesse

Il y a dans la cour un vieux cheval empaillé, du moins ce qu’il en reste, à savoir le strict nécessaire pour monter dessus : quatre jambes et un corps. Les enfants ont fini d’enlever la tête l’année dernière, quant à la queue, plus personne ici ne s’en souvient. Le pelage et le cuir du dos ne ressemblent plus à rien. Les enfants s’assoient à même le tissu fait de ficelles fines et néanmoins grossières. Afin de permettre au cheval de rester stable quand on le monte, l’empailleur a lesté très lourdement le ventre de la bête – le pauvre homme avait-il donc une idée de l’avenir de son œuvre ? Tout le monde aujourd’hui a oublié de quand date cette dernière, mais le doyen de l’école assure que lorsqu’il est arrivé là, le doyen de l’époque lui disait déjà avoir toujours connu l’animal empaillé, ce qui fait remonter son origine à avant la deuxième guerre mondiale !
 
L’existence de Poppy n’as pas toujours été des plus tranquilles. À plus d’une reprise on a entendu des parents d’élèves se plaindre des risques sanitaires encourus par leurs enfants au contact du vieux cheval empaillé. Les différents directeurs de l’école ont toujours plaidé pour Poppy avec le même argument, celui de l’immunité, justement. « Votre enfant non seulement ne risque rien, mais il se protège. Il acquiert une immunité naturelle ! ».
 
Si l’on peut comprendre que l’on se méfie des effets d’un cheval empaillé sur la santé humaine, la santé du cheval demande à son tour une attention rigoureuse. On bâche l’animal tous les soirs, de crainte qu’une pluie prévisible ou pas ne vienne l’abîmer. De même, une pluie inattendue dans la journée oblige quelqu’un à vite protéger Poppy. 
 
Chaque rentrée des classes voit la légende renaître jusqu’à Noël au mieux, au pire jusqu’à la Toussaint : le ventre de Poppy serait lesté d’or massif. Des lingots, en pur et en dur, seraient les stabilisateurs de l’animal. Aucun adulte n’a jamais pris la peine de vérifier l’hypothèse tant elle est farfelue. Et les enfants semblent bien trop heureux de pouvoir continuer de rêver, sans compter la menace d’une sacrée réprimande si l’un d’eux était surpris à jouer du cutter sous la panse de Poppy.
 
Les récréations du début de chaque année scolaire connaissent toujours le même phénomène : tout le monde veut monter sur Poppy, alors on se bat, parfois jusqu’aux gnons s’il n’y a pas un professeur aux alentours pour arrêter la bagarre.
 
Récemment, depuis que Poppy n’a plus de tête, on a pu voir des enfants rapporter à un professeur que tel ou tel camarade était entré dans Poppy par le cou, mais aucun professeur n’a pu le vérifier en personne. L’élève est-il sorti à temps ? Étaient-ce des histoires ? Comment le savoir ?
 
Pendant longtemps, très régulièrement, des enfants ont posé toutes sortes de questions à propos du vieux cheval empaillé. D’abord, pourquoi était-il là ? et puis pourquoi s’appelait-il Poppy ? Et d’autres questions encore. C’est pourquoi un directeur, un jour, sur proposition d’un professeur, a décidé que chaque année, peu après la rentrée, il y aurait une « matinée Poppy ». Ainsi, depuis huit ans, début septembre, on consacre une matinée à celui qui est devenu depuis longtemps la mascotte de l’école. Tous les élèves sont réunis dans la cour et les professeurs disent tout ce qu’ils savent de Poppy, et aussi ce qu’ils ne savent pas. Les plus grands élèves racontent aux plus petits les histoires qui sont arrivées avec Poppy, et il se trouve la plupart du temps un élève pour contredire ce qui vient d’être dit, ce qui donne forcément lieu à un chahut. Pour la partie théorique, tout le monde est assis par terre, sur le bitume, y compris les professeurs. On arrive à retenir l’attention des élèves sans trop de difficultés tant le sujet les passionne. Puis on passe à une partie pratique. On s’approche de Poppy, les plus petits sont invités à le toucher pour la première fois et nombreux sont ceux qui en ont peur et qui voient bien que cette réaction n’est pas celle que l’on attend d’eux, ce qui ajoute à leur contrariété. C’est toujours au moment de la partie pratique qu’un élève s’étonne à voix haute :
 
–            Il a pas de zizi, Poppy ?
 
Une professeure répond :
 
–            Bien observé ! Pas de zizi ! Et d’ailleurs, on remarquera que Poppy n’a vraiment pas de zizi, ni mâle, ni femelle.
–            Et pourquoi, madame ? Ça existe des animaux qui ont pas de zizi ?!
–            Question intéressante… Eh non, ça n’existe pas, en tout cas pas chez les mammifères, mais rappelle-toi : Poppy est un cheval em-pa-illé. Ce qui veut dire que l’empailleur a choisi de nous montrer un cheval sans sexe. Donc, Poppy n’est en vérité ni un cheval, ni une jument.
 
–            Madame, un juval, alors !
–            Ou une chement !
–            Comme vous voudrez !
 
Maintenant que Poppy n’a plus de tête, on commence à entendre de drôles de théories sur celle-ci. Certains inventent déjà un buste et une tête d’homme : l’imagination peut aller plus vite que le mythe. Pour d’autres, disciples de Thomas, il n’y a peut-être jamais eu de tête. D’autres encore clament une tête de dragon… Un professeur se trouve toujours pour rappeler la réalité qui est d’une tristesse à pleurer.
 
Enfin, quand Poppy n’a plus de secret pour personne, il est l’heure d’aller à la cantine.
 


Le cheval, empaillé par un inconnu à une date inconnue mais très probablement antérieure à 1940 a très vite trouvé sa place dans une cour d’école des environs d’Alès. L’un des privilèges des élèves et professeurs de cette école, hormis le fait d’avoir Poppy parmi eux, est qu’en 1992, le directeur de l’époque a obtenu du rectorat l’interdiction de photographier Poppy.  Ce directeur avait-il anticipé l’avènement d’Internet ? Toujours est-il qu’aucune page sur aucun écran ne vous montrera Poppy.

Salima Salam et Jihelka aiment ce message

Commentaires

Jihelka
Poppy, ce cheval popu plus vieux que nos papys, c'est pas du pipeau ?

Thierry Lazert aime ce message

Thierry Lazert
Hahaha ! Pas p’us qu’ça !
Ninn' A
ce bestiau empaillé serait alors réellement dans une cour d'école ? cool. bon faut lui trouver une tête, hein, on peut pas le laisser comme ça

Thierry Lazert aime ce message

Thierry Lazert
@Ninn' A
Déjà, faudrait la dessiner, la tête… et pour ça,  ben…:))
Thierry Lazert
@Jihelka
Ta question « c’est pas du pipeau ? », j’ai cru que c’était du 2nd degré et j’y ai répondu comme telle. Maintenant je me rends compte que mon histoire est croyable ! Alors non, mon Poppy est bien une fiction !

Jihelka aime ce message

Ninn' A
Quoi ? Qui qu'y à cru ? :-)

Thierry Lazert aime ce message

Thierry Lazert
@Ninn' A
Non, non, personne, Ninn’A, personne.:)))
Salima Salam
C'est tellement absurde que ça paraît très vrai. Parce que quand on invente en littérature blanche, on fait banal pour être crédible.

Thierry Lazert aime ce message

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