Tout est plein d'eau, saturé, dégueulant, et il pleut encore.
— La Misère !
Pour lui, pas pour moi qui suis là pour le plaisir simple et gratuit de mettre un pied devant l'autre et de recommencer. Facile, je ne fais que passer, léger sous le ciel de plomb qui nous tombe dessus, libre de tout pour une bonne heure : touriste singing in the rain and the groß Berdoule.
Pour lui c'est une autre affaire : il travaille, le pauvre ! et quel travail ! lourd de chez lourd au trepalium ! D'accord, c'est largement mécanisé : la "cuillère à glace" made in Vlaanderen inventée par papa est passée avant pour extraire la motte de plusieurs centaines de kilos contenant la souche de l'arbre encore jeune. Il n'empêche, il faut maintenant l'enlacer d'élingues pour que la grue l'enlève et la dépose dans la remorque.
Alors oui, ça souffle, ça patauge, ça s'enlise jusqu'à la cheville ; le rouge aux joues dégoulinantes, le colosse de près de 2 mètres se déploie péniblement pour trouver la force de rire de mes mots :
— Oui, ça est vlai !
Il doit bien déguster, le digne descendant de Gust, fondateur en 1901 d'une des plus grosses pépinières d'Europe ; son dos le torture, je le vois, je le sens, le ressens presque, chaque fois que je le croise dans la cour de l'établissement : ce grand corps traîne une longue peine, et il peut bien poser son cul dans du luxe, le soir, derrière les murs épais d'une des plus grosses maisons du village, espèce de résidence à l'américaine comme les riches belges les affectionnent, ça l'empêche pas de souffrir comme un vieux cul-terreux du cru, qu'il est devenu, d'ailleurs, finalement.
Mais ce brave Van Dyck est déjà loin derrière ; je l'ai dit : je ne fais que passer...
Ninn' ASam 24 Fév - 18:45