Le Duc de Pinenfer en baguenaude aux bois
Découvrit, guilleret, un beau fourré de fraises.
Il en dévora tant, telle une truie obèse,
Qu’il fût pris de colique et ruina le sous-bois.
Un groupe de veneurs, bien détestable engeance,
Confondant le seigneur avec un sanglier,
Engagea ses mâtins en plein sur le hallier,
Si bien que notre duc fut mordu où je pense.
Hélas pour Pinenfer, un des nemrod, taquin,
Vint conter l’infortune aux banquets de la cour.
On en rit tellement, qu’à Château Pinembourg,
Marquise fit donner un somptueux festin.
Tempêtant en son fief, l’incontinent blessé
Reporta son dépit sur ses élans du cœur.
Prenant sa plume d’or, il mit grande ferveur
À composer un lai de mots tendres tissé.
Quand un jour l’impudent, muni de son vélin,
Carillonna, hardi, aux portes de Marquise,
Celle-ci s’écria : « Faut-il donc que je dise
À mes archers, tirez ! pour chasser ce vilain ? »
Brandissant son papier en guise de trophée,
Le buste avantageux tel un grand coryphée,
Barytonna, vibrant, notre Duc en extase,
À émouvoir les murs et fleurir les armoises :
« Ah, chère dulcinée, étoile au fond des cieux,
Chaleureuse et pourtant si lointaine et si froide…
Saurais-je vous narrer sans avoir nuque roide,
En termes délicats, mon penchant pour vos yeux ? »
Marquise s’éventa, cachant sa lassitude,
Le soupirant transi lui fichait la migraine.
D’un soupir déguisé, elle cacha sa haine,
Laissant l’obnubilé débiter platitudes.
Quand il en eut fini, que le soir s’avança,
Marquise avait sombré dans un demi-sommeil,
Tant le complimenteur lui vrillait les oreilles,
Et sans aménité, elle se redressa :
« Courir le guilledou vous sied comme un turban
Sur la tête d’un cerf, en vérité, monsieur,
Je vous le dis sans fard : Vous êtes bien trop vieux
Et bien trop empoté pour tomber mes rubans. »
Soudain désarçonné par la rodomontade,
Le Duc de Pinenfer s’empourpra illico
Mais resta bouche bée, et face à ce fiasco,
La vive convoitée lui porta l’estocade :
« De grâce, taisez-vous, vos palabres me peinent.
Il m’est fort déplaisant de vous ouïr hennir
Comme un fol étalon qui aimerait saillir,
Car du noble cheval, vous n’avez que l’haleine ! »
Oui, Ma Dame, je me vante et me vautre en forfanterie ! mais puisque vous me mettez misérable, c'est tout ce qu'il me reste, pauvre de moi.
DédéconfitDim 18 Juin - 10:40